vendredi 27 juillet 2007

Une soirée à Erbil


Isaac et moi rejoignons Ayad et Jassim sur la pelouse, où l’on a installe des tables et ou déjà se presse une foule de gens tranquilles, venus pour apprécier la fin de semaine…
Hamer nous rejoint presque immédiatement. Ayad et Jassim descendent tranquillement une Heineken. J’en commence une, et Isaac commande un coca.
Hamer est un hadji, il a bu beaucoup, mais bien sur, après avoir fait le pèlerinage de la Mecque, il ne boit plus une goutte d’alcool. Il est venu avec un sac plastique, qui contient trois bouteilles de bière sans alcool.

Un orchestre joue de la musique kurde. Tres mélancolique, très douce, les sonorités de la clarinette m’emmènent très loin d’ici. Je voyage au dessus des montagnes, vers le Caucase, qui dans ma reverie ne peut pas ne pas ressembler aux montagnes kabyles des environs de Tizi Ouzou.

La conversation roule sur les sujets habituels : le travail, les options de la gestion du projet… Puis nous parlons religion, et nos interlocuteurs font de leur mieux pour nous dépeindre un islam qui n’a rien a voir avec les poseurs de bombes et autre assassins qui courent les rues de Bagdad.

Quand je pense que des types se font exploser pour aller au paradis, et que ceux qui picolent vont en enfer, je préfère instantanément aller en enfer avec les fêtards, qu’au paradis avec les assassins !

Enfin, moi, je dis ca, je dis rien !
(private joke pr la DTDP)

vendredi 13 juillet 2007

INSTANTANES, IMAGES, UN SOUVENIR D'ALI ET NOUVELLES DE LA VIE PRÉSENTE


Jeudi soir, soirée organisée pour le départ de Hamouda. On boit du vin libanais et hongrois, de la vodka et du whisky, on rit dans toutes les langues... Sans doute est-ce la personnalité de Hamouda qui veut ça : la fête est détendue, tous se retrouvent pour un moment et pour dire au-revoir à un collègue qui a choisi de partir pour rester fidèle à son exigence de qualité, qu'il estime ne pouvoir respecter dans le projet ici.

Un PSD va se faire coiffer et laisse sa kalachnikov à deux pas du fauteuil du coiffeur.

Ali Shakir dit que le français, ça sonne comme le chant des oiseaux. Dans la salle de muscu, il soulève des poids de dingue ! Il rit quand je lui dis qu'il exagère !

Le projet recrute, et lors d'un entretien, un candidat renonce au poste proposé, quand il apprend qu'il faudra aller dans les ministères. Il dit :"Quatre de mes collègues ont disparu ces dernières années, en circulant dans Bagdad. Je préfère un emploi de bureau à proximité de là où je vis."

Le soir, vers huit heures, la lumière devient douce et colore les palmiers et les maisons. On se croirait presque en été dans le sud de la France, quand il a fait très chaud, mais que la soirée apporte un peu de fraîcheur, quand on débouche le rosé et qu'on allume le barbecue, quand on sait qu'on va passer une bonne soirée entre amis...

La nuit, quand le ciel est clair, on voit très bien les constellations. C'est la porte ouverte sur le rêve. Je ne me prive jamais de regarder briller les étoiles, ici...

Des immigrés américains me racontent à quel point la société là-bas est matérialiste, chacun pensant d'abord à sa voiture, son téléphone mobile, insouciant du reste du monde. Je n'en demande pas tant de leur part. Leur description ne fait que conforter la vision d'une Amérique décadente.

Le soir, après avoir marché, Jawad, Ali et moi, on s'assoit sur la terrasse du Flamingo, le bar du compound. Et on discute. De tout, de rien, comme il convient quand on fait ça tous les soirs. Ce soir-là, Ali nous raconte un souvenir d'enfance.
J'ai déjà parlé ici d'Ali, grand père jordanien d'origine palestinienne, rond et facétieux.

Il se souvient d'une nuit de 1947. La Haganah menaçait d'attaquer son village. Ceux qu'on appelait les terroristes étaient les sionistes, en ce temps-là.
Son père avait une crise de coliques néphrétiques, cette nuit-là, et pourtant il fallait fuir, laisser la maison et fuir, de peur d'être massacré. Sa mère vint le réveiller et lui dit de se préparer, de faire vite... son père pouvait à peine marcher, mais il prit la route avec eux. La mère avait pris son plus jeune fils sans le réveiller, elle le portait contre elle, avec le coussin sur lequel il dormait.
Après avoir marché quelque temps, son père a dit qu'il ne pouvait pas aller plus loin, qu'il resterait là sur le bord de la route. Et Ali et sa mère ont poursuivi le chemin, terrorisés, dans le noir absolu...
Après un moment, sa mère s'est rendu compte avec un sentiment d'horreur que ce qu'elle portait contre elle, ce n'était que le coussin, que le bébé n'était pas là! Que dans sa hâte, et avec le souci du père qui ne pouvait pas les protéger, elle avait cru emporter son enfant, mais qu'elle n'avait pris que le coussin...
Il fallait retourner de toute urgence à la maison, pour récupérer le bébé. Sur le chemin, Ali se souvient de son père qui souffrait, et qui les encourageait à se dépêcher.

Il termine l'histoire en disant qu'il lui a fallu cinquante ans pour retourner dans son village. Et que le plus douloureux pour lui, était de se rendre compte qu'une grande partie des villages qui étaient là auparavant avaient purement été rasés. Il ne restait même plus un tas de pierres pour témoigner qu'avaient vécu là des familles, pendant des générations.

Pour finir, des nouvelles du cousin de Hala : il va mieux, il a été transféré à Amman et son état s'est amélioré.

jeudi 5 juillet 2007

Histoire pour sourire et post scriptum pour de vrai


Un matin, au petit dejeuner, Ali se leve et va chercher une deuxieme tasse de cafe. En passant, il ne peut s'empecher de compter, dans l'assiette de l'un de nos gardes, douze oeufs au plats. En retournant s'asseoir, il ne peut s'empecher de raconter a Jawad combien il est impressione par la quantite d'oeufs que ce gars va ingurgiter. Et tous deux de rire et de s'esclaffer...


Plus tard dans la journee, Ali doit faire appel a quelqu'un pour l'aider a porter une caisse lourde. Se presente alors le meme garde, qui souleve sans grand effort l'enorme caisse.


Ali, est un gaillard roublard, faussement naif et rond. C'est un jordanien qui s'etonne toujours du cours que prend la vie. Il a toujours envie d'aller a Paris, ou a Moscou, toujours envie d'inventer une facetie pour rendre la vie du compound moins ennuyeuse...


Voyant le garde soulever la caisse, il lui dit "Vous, vous meritez de manger au moins douze oeufs chaque matin !" A quoi repond fierement le garde "C'est ce que je mange au petit dejeuner !"


Le matin, lorsqu'il me voit arriver au petit dejeuner, Ali m'indique une chaise proche de la sienne. Pour le simple plaisir de me voir poser mon assiette et m'asseoir, epuise et desespere devant la perspective de commencer la journee. Il rit.


P.S pour de vrai : le cousin d'Hala ne va pas bien, il est dans un etat instable, bien que l'eclat ait ete enleve de sa gorge.