vendredi 21 décembre 2007

Eid Mubarak ! Joyeux Noël ! Et en plus c'est le solstice d'hiver !

Hier soir, en plaisantant à haute voix, au bar, Munif m'a mis dans une situation embarrassante ! Dans la société de sécurité de l'autre projet qui partage le compound avec nous, il y a un français, que j'avais identifié comme tel... Mais lui n'avait jamais prêté attention, et ça me convenait très bien.
Munif, donc, a dit que je n'étais pas un vrai français, si je n'aime pas le fromage ! Quelques minutes plus tard, ce PSD vient donc vers moi, pour me demander confirmation (pas sur le fromage, sur ma nationalité !). Après quelques considérations générales, je m'aperçois que je suis en train de parler avec un facho bien carabiné !
Les amerluches sont pour lui des dégénérés, puisqu'ils sont composés de la lie des sociétés européennes du 19° siècle. Les musulmans sont nos ennemis, il le sait, puisqu'il a lu le Coran, j'en passe et des meilleures ! Et moi, comme je suis poli, et que je n'aime pas faire des vagues, je n'ose pas lui dire d'aller vomir ses saloperies ailleurs...

Comme c'est encore l'Aïd, aujourd'hui, repos. Il y avait une sortie à Camp Victory prévue, mais une lombalgie m'a cloué dans un fauteuil : j'ai battu mon record personnel de films vus en un jour : quatre ! Thrillers, évocations historiques... que des amerlucheries, mais tellement bien foutues qu'on finit par s'en moquer !

Parait que c'est bientôt Noël : ils ont mis un sapin en plastique dans le hall de l'hôtel et suspendu une guirlande. Y en a même qui espèrent qu'on va nous envoyer du fromage et du chocolat...

Quand on s'est habitué à un rythme de travail assez soutenu, trois jours d'interruption, ça fait rêver avant, mais quand on y est, on ne sait pas qu'en faire ! A peine le temps de dormir bien à fond, de se faire quelques films, le dernier jour est déjà là, et avec lui les regrets. Comme quand le mois de septembre commençait, qu'on savait qu'il faudrait bien retourner à l'école... Y avait des mûres sur les talus, les soirées étaient plus courtes, et on reparlait déjà de cartables... Ici, l'avantage de la proximité de l'Aïd et de Noël, cette année, c 'est de démobiliser tout le monde en même temps : impossible d'organiser une formation en cette période, pas de stagiaires, pas de formateurs, pas d'administration... Je n'ouvre que rarement ma B A L professionnelle, mais je me doute que les chefs, eux, continuent de faire pleuvoir les mails... Basta !

Il fait gris, les palmiers n'en ressortent que plus verts, et même pour une messe de minuit en arabe, je suis prêt à sortir du compound ! C'est dire si j'ai besoin d'oxygène !

samedi 15 décembre 2007

Persistance du bleu, entrecoupé de passages nuageux

Le vent secoue les palmiers, les nuages ont envahi le bleu du ciel, il doit faire frais, dehors... mais pourquoi sortir...
Décembre, et toujours pas de traces de guirlandes lumineuses dans le compound, ni boules de neige, ni Père Noël...
Se laisser dériver entre deux mondes parallèles, rêver, les images de France, où les gens portent des manteaux, et nous qui sortons juste en gilet, ou petites vestes, Noël et l'Aïd, les vacances qui s'approchent, les projets d'ailleurs, les achats, et le temps qui glisse péniblement et laborieusement, à peine perceptible, et pourtant...

Se tisse entre les habitants du compound une sorte de complicité, de sourire souterrain, de solidarité qui se devine à de petits signes. Qui télécharge de la musique pour la partager avec les autres, qui rapporte des biscuits de l'autre compound, qui prend soin de faire que chacun ait ce qu'il veut et mérite en matière de chambre dans le nouvel hôtel où nous migrons dans peu de temps... petits gestes qui font le groupe.

Il y a peu, la nuit, on voyait brûler une torchère de raffinerie de pétrole. La torchère a disparu, et avec elle une bonne partie de la raffinerie. Le journal des troupes US (Stars and Stripes) a prétendu qu'il s'agissait d'un accident industriel. Ils ont dit qu'il y avait eu une explosion vers les neuf heures du matin. Bizarre, ça brûlait comme l'enfer à sept heure quarante cinq... Et juste avant, on a entendu le bruit des explosions... Nous prennent vraiment pour des idiots ! Mais il est vrai qu'il faut rassurer l'électeur amerluche, lui faire croire que ça va aller de mieux en mieux...
Il y a une amélioration, mais ça ne veut sûrement pas dire que c'est fini !

A propos de futur, je commence à compter les jours, les jours à entendre les générateurs, les jours à manger du poulet, les jours à parler anglais, les jours suspendu à l'Internet comme à un filin de survie, les jours à attendre que le futur se dissolve dans l'improbable présent, avant de devenir un passé recomposé à la sauce du souvenir, noyé dans les mots...

La vie en France semble si irréelle, vue d'ici, même si je sais que je m'adapterai à nouveau en quelques jours, je ne peux vraiment m'empêcher de m'interroger. Qu'est-ce qu'aller et venir dans la rue? Qu'est-ce qu'avoir autour de soi de l'horizon à ne savoir qu'en faire? Qu'est-ce que changer d'horizon sans savoir à demander l'autorisation? Saurai-je encore entrer dans un café et passer une commande? Acheter et lire un journal?

Le réel ici est à la fois très simple et hyper compliqué ! Tout ce qui est hors des limites du compound, voire même, tout ce qui dans le compound est zone interdite aux clients, relève de l'abstraction. On ne peut même pas s'en faire une représentation visuelle fidèle, car tout ce qu'on en voie est limité, soit par la distance, soit par le cadre de la fenêtre de la voiture qui nous transporte. Le réel se limite donc a des murs en T renversés, à une alternance jour - travail - irakiens / nuit - repos - expats seulement, à des détails triviaux, ou a des relations humaines qui prennent une valeur et une saveur exceptionnelles. Le monde du dedans est presque noir / blanc. Le reste est écrasé sous le soleil et le ciel bleu.

vendredi 7 décembre 2007

Bouquins... et autres

J'ai déjà épuisé le Debray et les Chomsky rapportés par Munif depuis quelques semaines. J'hésite à lire pour la troisième fois en trois mois le "Kafka sur le rivage" qui nous a bien fait planer, avec Thierry ! Bien-sûr le Rosanvallon est passionnant, mais le soir, avant de s'endormir, c'est pas ce qui se fait de mieux ! Trop de questions pour dormir tranquille !

J'oublie systématiquement quel jour passent les feuilletons policiers sur TV5, donc, pour la télé, c'est râpé aussi : vais tout de même pas regarder CNN !

L'autre jour, en partant pour la Zone Internationale, j'ai demandé aux PSD ce qu'ils feraient après l'Irak, quand la paix serait revenue. La réponse a fusé comme une évidence : il y aura toujours une guerre quelque part où l'on a besoin de nous. L'autre a ajouté dans un éclat de rire, "On pense déjà à l'Iran".
Je leur ai aussi demandé si leurs AK47 sont des vrais, des russes, ou des imitations venues de Chine. Ils m'ont expliqué comment les reconnaître, et ont surtout insisté sur le fait qu'il ne faut pas utiliser de munitions irakiennes : de mauvaise qualité, bon nombre d'entre elles ne fonctionnent carrément pas.

N. qui travaille avec nous, me parle souvent de son mari, ancien officier chiite, qui a déserté quand on lui a ordonné de participer à la répression de la rébellion chiite dans le sud, après la première guerre d'Irak. Elle me raconte comment le fait de rester caché dix ans l'a rendu aigri, alcoolique, elle m'explique qu'elle ne reste avec cet homme que pour l'honneur de ses filles. Elle rêve du jour où elle pourra enfin prendre tout ce qui est à elle dans la maison, et l'abandonner.
Parfois, elle entreprend de me convaincre de croire en Dieu, m'explique que le Coran a tout prévu, que tout est déjà dans le Coran, que toutes les réponses y sont... En vain, je dois le dire...
J'aime bien discuter avec N. Nous avons à peu près le même âge, elle a vécu en Occident, elle comprend mes interrogations, je comprends ses inquiétudes.
Elle me confirme que la situation s'améliore ; toutefois, elle ne peut pas courir le risque de prendre un taxi dans le secteur pour retourner chez elle. Alors à plusieurs, ils paient notre chauffeur pour les raccompagner après le travail. Comme elle habite plus loin que les autres, il lui faut partir bien avant 7 heures le matin, et souvent elle ne rentre que tard le soir.

vendredi 30 novembre 2007

Séquence météo

Après le bain du vendredi, je m'allonge sur mon lit et le corps lourd des fatigues de la semaine, je ferme les yeux. Je me retrouve instantanément en promenade dans les rues de Skopje, il fait froid et je suis emmitouflé dans un bon blouson. Je marche le long du Vardar, les cafés sont encore fermés, des bandes de jeunes gens se retrouvent et rient en arpentant le centre commercial... je traverse le pont de pierres et marche dans la vieille ville turque, tout aussi morte que la partie moderne...

Plus loin dans ma rêverie, d'autre dimanches après-midi affleurent, sédiments de mémoire, où s'entassent les heures de solitude du Sunday afternoon blues, à Moscou, à Prague...

Puis d'autre dimanches après-midi de fin d'hiver, à Bucarest, plus précisément à Cotroceni, où les villas ont du être si belles, mais sont si peu entretenues... Longs dimanches après midi arrachés à la solitude, une main dans la mienne et des projets d'avenir qui ont fini en disputes et malédictions...

Le froid me manque presque, le ciel presque toujours bleu devient une plaie : je rêve de nuages, et quand par chance le ciel m'en donne, je les regarde avec joie ! Ils sont comme autant de preuves que le monde existe encore !
L'autre soir, le soleil se couchait derrière l'immeuble et de ma fenêtre, le ciel devenait mauve... Il m'a fallu ouvrir la fenêtre, vérifier que je ne rêvais pas, et j'ai abandonné pour quelques instants le sauvetage du monde, pour m'envoler vers la lune... jusqu'au moment où deux hélicoptères sont venus déchirer le rêve et re-dessiner l'affiche d'Apocalyspe now...


L'arrivée dans le compound d'un couple de jeunes égypto-américains a apporté un souffle d'air frais dans les conversations d'après travail ! Politique, cinéma, livres, critiques du monde et de ses dérives, nous passons de longs moments à discuter comme des européens ! J'avais presque oublié combien c'est bon de se secouer le cerveau !

On a failli aller à Camp Victory, aujourd'hui... Mais manque de chance, on est sous alerte, on craint des représailles contre les compounds occidentaux du quartier, après le mitraillage d'un bus par une patrouille amerluche.
Demain, toutefois, une sortie est prévue pour la Zone Internationale : bonne occasion de faire un peu de shopping pour Noël, finalement ! J'hésite à commander encore des keffiehs... je crois que j'ai saturé tout le monde en keffiehs !

Les vacances approchent : j'ai mon ticket pour Amman et la réservation de l'hôtel. Jawad veut qu'on passe la soirée ensemble à Amman, avant de m'accompagner à l'aéroport ! Perspectives des plus réjouissantes ! Vacances... Amman, cela sonne comme une douce musique, presque comme la vision de l'oasis au loin ! Et encore au-delà, après bien des tractations, ce sera la Provence !

vendredi 23 novembre 2007

Ma sortie bi-mensuelle!

Je sais, ça fait sourire, quand je dis que je me suis offert une sortie au PX, le magasin des militaires dans la Zone Internationale. C'est vrai, quelle sortie ! Un grand hangar bourré jusqu'à la gueule de produits amerluches tous plus étonnants les uns que les autres.
Prenez seulement le rayon des médicaments : antibiotiques, gouttes pour les yeux, antalgiques divers et variés, j'ai même trouvé de l'extrait d'ail, je sais plus pour quoi !

Je passe sur la viande séchée, les assortiments de noix, les cookies, et je me dirige vers le rayon des suppléments alimentaires. J'hésite un long moment à m'acheter ces gros sachets de protéines qui filent de gros muscles ; j'ai peur de chopper l'air niais du culturiste sur la photo de l'emballage.

Me serait bien acheté un mug, mais y en avait plus de marqués Camp Liberty, et Operation Iraqi Freedom, non, ça c'est trop!

Je craque sur un sweat shirt : il commence à faire frais et le soir, pour parcourir les trente mètres qui séparent mon immeuble du restaurant, faudra pas tarder à se couvrir. en plus, il y a une inscription ironique sur le sweat shirt qui me plaît bien : il y a une carte d'Irak et il est écrit "j'y suis allé, j'ai fait ça et je me suis acheté le t shirt".

Eugenio, le collègue péruvien achète un sac aux couleurs de l'uniforme amerluche, qu'il qualifie de post-moderne. Faudra que je m'offre un dictionnaire franco-péruvien, je ne sais pas ce que le sac a de post-moderne. On dirait simplement un sac pour faire les commissions comme quand j'étais gosse : plus long que large, avec des poches dedans. Ils le vendent comme un sac où l'on peut mettre son casque et son gilet pare-balles... vois pas l'intérêt d'offrir ça à sa fille... Ceci dit, moi, j'ai bien rapporté des keffiehs à mes enfants... On devient petit à petit complètement déphasés dans ce pays !

Au rayon de l'électronique, je craque, puis j'hésite, puis je recraque, avant de m'éloigner, puis de revenir et de finir par m'offrir un iPod. Après tout, ça fait six mois que je suis là, j'ai bien droit à un petit cadeau, non ?
Depuis, la séance de musculation est plus rythmée, et le soir, quand je m'en vais à la salle télé fumer mon narghilé, je peux emporter ma musique avec moi !


L'autre soir, au bar du compound, grande discussion avec un geek du projet. Encore un type au parcours qui ferait matière pour un roman. Génération sixties, guerre du Viet Nam, comme sniper, puis hippy qui parcourt les US et le monde, avant de devenir informaticien. Il vit à son rythme, comme tout geek qui se respecte : son bureau est toujours encombré de reliefs de repas, de tasses de café, il y a deux ordi ouverts en permanence, et il vient au déjeuner avec un gros bouquin de théories économiques. Il me dit que le genre humain a devant lui une alternative simple : s'auto-détruire à brève échéance, ou comprendre exactement comment marche l'humain. Ni l'un ni l'autre ne me semblent bien enthousiasmants. Nous parlons de Keynes et du coût des rêves et des décisions irrationnelles dans l'économie un long moment... Ca fait du bien de délirer et de se prendre pour des intellos !
J'en profite aussi pour lui apprendre à rattraper la petite goutte qui coule de la bouteille de vin quand il a fini de se servir. Ca lui évitera de secouer la bouteille comme un flacon de ketchup.

vendredi 16 novembre 2007

let's get international!

Сколько воскресенье после обеда я был пешком в пустых улицах, в Праге, в Бухарест или Пекин ... Здесь нет такого понятия, как пустое воскресенье днем ходить. Я только см. улицы через окно нашего бронированные автомобили.

На этой неделе, кажется, повстанцы начали вновь свою деятельность: несколько бомб взорвались в этом городе. Конечно, мы обеспечены, в нашем комплексе. Однако некоторые иракские коллеги подтверждают, что безопасность на улицах улучшается. Они снова согласиться, чтобы перейти на некоторых министерствах, где они были испытывая чувство довести учебных материалов, несколько недель назад.

Значения температуры понизились быстро, в последнее время: на прошлой неделе, я мог бы еще ходить в комплексе в течение короткого рукава рубашки, сейчас, мне нужно с длинными рукавами. Небо не всегда удачно ... синий есть облака, иногда!

Четверг вечером, с моими коллегами, мы в настоящее время используется для собирается строка комплекса и некоторые ЛИВАНСКИХ пить вино. Мы стараемся не говорить бизнеса!

vendredi 9 novembre 2007

Morceaux épars d'un vendredi parmi d'autres


Le vendredi, c'est l'oasis de solitude entre deux semaines d'agitation et de labeur... Je dors tard, je prends un long bain, je lis...

Le corps ne se laisse pas facilement domestiquer, et travailler dans un environnement réduit et clos, sans possibilité de liberté de mouvement est une contrainte bien plus éprouvante que l'insécurité relative due à la guerre civile. Entendre de temps en temps quelques rafales dans la rue, une explosion, ce n'est rien comparé à cet étirement du temps proportionnel au rétrécissement de l'espace.
Mais paradoxalement, on en vient à aimer sa prison, à ne plus souhaiter la quitter. Le moindre petit avantage qu'elle procure devient un luxe dont on ne veut pas se passer. On devient progressivement asocial, mutique, et pourtant extrêmement dépendant des contacts avec l'extérieur. Les discussions quotidiennes sur skype sont des moments de liberté, une conversation un tant soit peu libre avec un collègue prend des allures d'espace mental libre...

L'alentours se restreint à un environnement professionnel, et on est comme sur scène en permanence ; il n'est pas possible d'être soi, en dehors de quelques rares circonstances. Les muscles du visage deviennent plus difficiles à décontracter, les épaules sont lourdes... On développe une sorte d'indifférence polie à l'autre, et d'indifférence tout court aux circonstances. Certains trouvent dans la revendication de conditions de vie meilleures un terrain d'expression. J'en suis arrivé au point où je me fous de la qualité de ce que je mange, de la qualité de l'air...
Je fais de mon mieux pour éviter la servitude aux émotions, je me robotise, pour échapper aux effets de la privation de liberté.

Je me procure des instants de liberté et de joie cachée, secrète, et je laisse le reste couler comme l'eau sur le dos du canard.

dimanche 14 octobre 2007

Jours oisifs


Avez-vous remarqué que l'humour des peuples opprimés est en général grinçant et plein d'auto-dérision... Ci joint une blague palestinienne pour rire et grincer un peu.

Ensuite, quelques instantanés en passant.

Le jour du jugement dernier, Arafat, à la tête de la cohorte des palestiniens errants et vaincus, va frapper à la porte du paradis.
Le gardien entrouvre la porte et demande qui est là.
"- Nous sommes le peuple palestinien, spolié de sa terre et de son histoire, et je suis leur leader, Yasser Arafat, nous voulons entrer !
- Attendez une minute, je vérifie si vous êtes sur la liste  des invités
- ...
- Non, désolé, vous n'êtes pas sur la liste !" et la porte se referme.

Arafat se retourne et dit "S'il n'y a pas de place pour nous ici, nous poursuivrons la lutte jusqu'au bout pour que soit reconnu notre droit à l'existence ! allons donc voir l'enfer !"

Et la longue cohorte se remet en marche.

Arrivé devant la porte de l'enfer, même scène, et même résultat :
"Non, vous n'êtes pas sur la liste ! Vous ne pouvez pas entrer, désolé !
- Mais alors, qu'allons nous faire, si ni l'enfer ni le paradis ne veulent de nous ?
- Attendez, répond le gardien, je passe un coup de fil à la direction générale, au cas où il y aurait des instructions..."

La porte se referme pendant un moment.

Puis s'ouvre à nouveau
"Marchez vers là-bas, entre les dunes, il y a un camp de réfugiés pour vous !"

Petites choses de la vie

Samedi de l'Aid. Un bon bouquin, le narghilé bien préparé, je suis sous la tente de la terrasse du cinquième étage. Soudain, cris et coups de feu viennent interrompre ma lecture. Ca s'agite vers une entrée du compound. les gardiens font reculer quelques voitures qui s'étaient approchées un peu trop. Je retourne lire. Quelques instants plus tard, des cris, encore.... les employés jouent au foot.

Jours de l'Aid, bureaux vides, les deux expats enfermés errent en tenues décontractées, lisent leurs mails, répondent quand c'est nécessaire, il règne un silence d'usine désaffectée.

Aid toujours, c'est la fin de la saison du feuilleton que nous regardions chaque soir. Les énigmes et autres différends se résolvent comme il se doit. Nous partageons un soir une bouteille de vin libanais, le lendemain un Crozes Hermitage. Il y a des saveurs comme celle-ci qui vous raccrochent au pays.

Après la fin du dernier épisode, Mounif et moi restons encore un peu dans la salle de télé. Il me raconte sa rencontre avec Arafat. Il raconte aussi comment son père, journaliste à Times Magazine a fait d'Arafat un personnage international, en l'interviewant pour le journal.

Nous parlons de la désillusion de tous ceux qui ont cru en quelques idées, puis qui ont baissé les bras, écoeurés. Je lui dis que je ne reconnais pas mon pays dans les nouvelles que je lis dans les journaux. Je ne veux plus vivre là-bas. Trouver une crique à l'écart, une barque pour aller pécher et de temps en temps, aller voir les toiles qui soignent l'âme, entendre un concert qui fait vibrer le coeur... Mais loin de tout ça.

lundi 8 octobre 2007

8 octobre 1989 - 8 octobre 2007

Aujourd'hui, ma fille a 18 ans, et je ne suis pas avec elle. Au lieu de m'occuper de regarder pousser mes enfants, de les accompagner sur les chemins de leur vie, j'ai choisi d'abord de partir vivre une autre vie, et maintenant je suis là à chercher à gagner plus de responsabilités... les gens normaux ne sont pas là, à Bagdad, à essayer de faire un truc impossible, pour se prouver qu'il peuvent le faire !

Vaut mieux pas se retourner, si on veut pas avoir le vertige.

vendredi 5 octobre 2007

Berlioz, Bagdad... ne ratez pas le train !

"Décidément, Berlioz doit s'écouter un peu fort" me disais-je ce vendredi après-midi, en m'enfonçant pour la énième fois jusqu'au épaules dans un bain devenu tiédasse. "Surtout quand il se décide à envoyer les chœurs, dans le dernier mouvement de la Marche Funèbre". Berlioz, cette Marche Funèbre, ou le Requiem, il m'arrive de me les passer en boucle une journée entière...

Pourquoi Berlioz? Je sens poindre la question, pourquoi Berlioz? Berlioz me dit avec force, avec folie, d'aller chercher encore plus loin la force, la volonté, l'engagement inconditionnel dans ma vie...

L'autre jour, la question qui m'était posée, était "pourquoi Bagdad ?"

Et du fond de mon bain, ce vendredi après-midi, je me demandais si parfois, vous, de l'autre côté, dans le monde normal, vous n'en avez pas marre d'être à la fois protégés, maternés, harcelés, malmenés, remués, sans pouvoir donner de sens à tout cela ? Entre un Etat sur-protecteur et des marchands qui vous vendent du rêve de pacotille, entre le désir jamais assouvi et le plaisir qui n'est pas à la hauteur de vos espoirs, entre un futur toujours décevant et un passé toujours à recomposer, vous n'avez pas envie d'aller voir jusqu'où vous tiendrez ? Pas envie de de vivre loin de tout cela ? Pas envie de faire votre métier dans des conditions un peu plus difficiles, de dormir dans le lit de la folie (c'est de Férré, pas de moi), de pousser Berlioz à fond, de croiser d'autres routes, de gueuler un bon coup ???

J'ai trouvé plein de raisons à répondre à la questions sur Bagdad, mais je crois qu'au fond, Bagdad était une fantastique opportunité de dire "merde", d'envoyer balader tout un tas de conventions bien trop pesantes !

Et là, Berlioz vient encore à ma rescousse, il balance à fond le "Dies irae", on la sent la colère, le refus de la mort douce et bénigne qui engourdit ! Il me chante, me pousse, "Va, file, droit au devant là où ça péte, là où la vie a du goût, là où tu te sentiras utile, là où tu te réaliseras pleinement, va souffrir, prends le risque de croiser un sniper, car chaque seconde, ta vie t'échappe comme le sable entre tes doigts..."

Pourquoi Bagdad ? Parce que Serge, qui travaillait avec nous ici jusqu'au mois d'août, est en train de se battre contre un vilain crabe aux Etats-Unis, et qu'il a 36 piges... Serge qui voulait toujours aller dans la voiture de tête dans les convois, pour le fun, Serge avec qui je riais lorsqu'une alerte aux mortiers nous faisait courir vers les bunkers de la Zone Internationale, un jour de juillet, en nous disant "Enfin, il se passe quelque chose!"

lundi 24 septembre 2007

Paysage urbain



De mon bureau, je vois voler les hélicoptères; toujours par deux, comme des gendarmes... et je vois des antennes. Quelques palmiers, qui m'indiquent s'il y a du vent dehors. L'immeuble d'en face est à quelques centaines de mètres. Des gens y vivent. certains matins, les tapis sont suspendus aux balcons, parfois une silhouette apparaît sur le toit. Linge étendu, puis ramassé. On pourrait presque se croire dans la chanson de Nino Ferrer, "Le sud".... Si seulement il n'y avait pas ces hélicos, pour rappeler obstinément que ce pays ne connaît pas la paix.

Si je me lève du bureau et m'approche de la fenêtre, je vois une villa aux formes qu'un jour dans une réunion un architecte qualifia de déhanchées, une villa qui semble dormir dans la poussière. Une villa qui répète, un peu lasse, que la forme, la beauté, n'ont que faire de l'utilité et que tant qu'à faire d'habiter, autant habiter un bâtiment qui signifie autre chose que la simple fonction du logement.

Sa voisine est bien plus simple. Un détail attire toutefois immanquablement mon regard : un lit d'enfant, sur le toit - terrasse, un lit a barreau, qui a pu être bleu, un lit où n'a pas dormi d'enfant depuis longtemps... Et parfois, une femme qui nettoie la terrasse a grande eau... Seul signe que la maison n'est pas un fantôme.

En balayant le paysage du regard, toujours vers la droite, le parking où sont rangés les véhicules blindés des sociétés de sécurité des autres projets du compound. Gros 4X4 portants sur un autocollant, le numéro sous lequel est enregistrée la société à laquelle ils appartiennent. Blackwater, qui est dans les feux de l'actualité n'en fait pas partie. Les gardes des autres sociétés du compound sont pour la plupart des bandes dessinées vivantes. Loin du genre sérieux de nos Sud Africains, ils ont l'air de gros voyous à qui on aurait donné des armes et des grosses voitures. Je ne dis aucunement qu'ils ne sont pas professionnels. Je parle de leur aspect, qui ne m'inspire aucune confiance.

Juste au pied de l'immeuble, les générateurs électriques emplissent l'atmosphère de leur incessant vrombissement et de leur fumée malodorante. Carrossés de jaune, souvent ouverts à cause de la chaleur, énormes moteurs diesels, tournant sans répit pour assurer l'électricité de nos bureaux et autres chambres... Indispensables et insupportables générateurs... Lorsqu'ils s'arrêtent, qu'enfin l'Etat est capable de fournir un peu de courant, on a l'impression de découvrir la douceur du silence, comme une musique faite des bruits normaux d'une ville. Comme si Bagdad était une ville normale.

vendredi 14 septembre 2007

Bagdad, me revoilà !


Et bien, après les vacances, il fallait bien revenir... Et à la clé, un changement de taille, puisque depuis une semaine, je suis installé dans un nouveau compound, situé dans le quartier Al Karada. Le compound est plus petit, plus pollué, et surtout, composé d'immeubles. Adieu le quartier résidentiel, les villas, les palmiers et les oiseaux ; bonjour le béton, les immeubles...

Comme parmi tous ceux pressentis pour venir s'installer ici, nombreux ont décliné, (version polie de fermement refusé), nous ne sommes que trois expats, ici, pour le moment.

Donc, mon boulot aussi a changé : je suis maintenant chargé d'animer une équipe d'une douzaine d'irakiens, et de fournir un service administratif et logistique à toute formation qui se déroule dans notre immeuble. C'est super, sur le papier. C'est l'occasion de mettre en œuvre les théories du management rabachées en tant que formateur ! Mais ce qui est dommage, c'est qu'il y ait si peu de formations dans notre bel immeuble ! d'ailleurs, si j'étais un contribuable américain, je n'aimerais pas savoir qu'on loue cet immeuble pour en faire un centre de formation, mais qu'on n'y fait que très peu de formation... Bon, soyons patient, les grands chefs vont se réveiller un de ces jours.

Professionnellement, c'est interessant : après des années passées à animer des formations, puis d'autres, à concevoir des actions de formation, je boucle le cycle en organisant et en assurant la partie pratique de la formation.
Humainement, c'est passionnant : manager une équipe dont on ne parle pas la langue, dans un pays en guerre civile, c'est un peu comme barrer un dériveur avec un bandeau sur les yeux ! On est bien obligé de faire confiance, aux autres, et à soi ! Et de communiquer !

lundi 3 septembre 2007

Avant de rentrer à Bagdad

Avant de rentrer à Bagdad... deux ou trois mots sur les vacances. Déjà, parler de rentrer à Bagdad en dit long sur l'effet d'accoutumance qu'on peut ressentir à cette vie ailleurs, comme dit une aute errante.

D'abord, rapidement parler du malaise ressenti à l'arrivée à Paris, le trop de gens, trop proches et trop inconnus, soudain, le froid, la douleur de se retrouver dans le monde.

Puis, et surtout, la joie de retrouver mes enfants. Rapidement, reprendre nos marques, nos délires, refaire bande à part, même en société, retrouver cette complicité qui fait des rares moments passés ensemble des moments spéciaux.

Retrouver, se retrouver, seront les mots clés de la première période : visites faites et reçues, dire et ne pas dire, écouter, être ensemble. Mettre de côté temporairement des impressions, se découvrir des blessures cachées, recréer le contact, retrouver la voix, la présence, le goût de la vie...

Puis, deuxième période, Seville.

Couleurs, chaleur, rires et complicité avec mes petiots, découverte, loin de Bagdad, loin des kalachs et des querelles infantiles entre consultants... Fous rires, tapas, siestes, terrasse nocturne, grincements de porte, appétit, rythme lent et énergie folle... Loin de la folie des hommes, lumière, paix, beautés hispaniques, musique, sentiment fort d'être européen.

Je regarde mes enfants grandir. L'un devient un adolescent. Commence la longue mue. Tendre la main et faire confiance... L'autre sort doucement du tambour de la machine à transformer les ados en jeunes adultes. Période obscure, soulagement, l'adulte en devenir est belle et prometteuse. Confiance.

vendredi 10 août 2007

Légère brise sur Bagdad


Parfois, le bruissement du vent dans les palmes et le bruit sec des dattes qui tombent sur le sol est un peu lassant ; on rêve qu'il se passe quelque chose pour secouer la torpeur.

Jeudi soir, c'est un peu la sortie des classes, on se lâche, on s'organise une vodka partie, un poker improvisé, on sort les narghilés... bref, c'est un peu la fête !

Cela crée les circonstances favorables pour qu'il se passe quelque chose d'inhabituel. Hier, ce fut une explosion de violence et de colère... Un conflit inter culturel, une dispute d'après boire, difficile à dire... Et après tout, peu importe. Simplement, quand cela se passe, on regrette d'en être témoin.

Ces jours-ci, le compound était déserté par les employés irakiens, à cause du couvre feu. On travaille au ralenti, on trouve le temps de lire les documents qui s'empilaient sur le bureau, de ranger les papiers, on envoie des mails et on lit les journaux...

Dans mon esprit, les vacances se précisent, je cherche notre logement à Séville, je me mets à rêver, le manque des enfants se fait encore plus fort...
En même temps, une inquiétude surgit : saurai-je me réhabituer à la vie dans le monde normal?

Nous déménageons, (nous = la division formation) vers un autre compound, le 15 août. Je veux faire en sorte de préparer tout les employés au changement de lieu, mais je ne reçois l'information qu'au compte-goutte. Le couvre-feu n'arrange rien.

C'est la première fois que je reste si longtemps en mission, et pourtant, comparé à mon souhait, c'est une goutte d'eau... Le temps est long, les jours se suivent et ont tendance à se ressembler. Mais mon énergie et mon enthousiasme ne sont pas entamés ! Chaque jour est, bien que très semblable au précédent, une expérience nouvelle... Il y a chaque jour un détail, un micro événement qui vient agrémenter la trame de la monotonie.

Il n'y a pas de courage particulier à être ici, par rapport à n'importe quelle ville, si ce n'est que je suis chaque jour face à mon plus implacable ennemi, et que je dois combattre avec vaillance et sans trêve. Il est là, tapis dans ma poitrine, parfois étouffant, parfois vaincu et soumis... le doute. Il est là, et je ne dispose de rien pour m'en distraire.

vendredi 27 juillet 2007

Une soirée à Erbil


Isaac et moi rejoignons Ayad et Jassim sur la pelouse, où l’on a installe des tables et ou déjà se presse une foule de gens tranquilles, venus pour apprécier la fin de semaine…
Hamer nous rejoint presque immédiatement. Ayad et Jassim descendent tranquillement une Heineken. J’en commence une, et Isaac commande un coca.
Hamer est un hadji, il a bu beaucoup, mais bien sur, après avoir fait le pèlerinage de la Mecque, il ne boit plus une goutte d’alcool. Il est venu avec un sac plastique, qui contient trois bouteilles de bière sans alcool.

Un orchestre joue de la musique kurde. Tres mélancolique, très douce, les sonorités de la clarinette m’emmènent très loin d’ici. Je voyage au dessus des montagnes, vers le Caucase, qui dans ma reverie ne peut pas ne pas ressembler aux montagnes kabyles des environs de Tizi Ouzou.

La conversation roule sur les sujets habituels : le travail, les options de la gestion du projet… Puis nous parlons religion, et nos interlocuteurs font de leur mieux pour nous dépeindre un islam qui n’a rien a voir avec les poseurs de bombes et autre assassins qui courent les rues de Bagdad.

Quand je pense que des types se font exploser pour aller au paradis, et que ceux qui picolent vont en enfer, je préfère instantanément aller en enfer avec les fêtards, qu’au paradis avec les assassins !

Enfin, moi, je dis ca, je dis rien !
(private joke pr la DTDP)

vendredi 13 juillet 2007

INSTANTANES, IMAGES, UN SOUVENIR D'ALI ET NOUVELLES DE LA VIE PRÉSENTE


Jeudi soir, soirée organisée pour le départ de Hamouda. On boit du vin libanais et hongrois, de la vodka et du whisky, on rit dans toutes les langues... Sans doute est-ce la personnalité de Hamouda qui veut ça : la fête est détendue, tous se retrouvent pour un moment et pour dire au-revoir à un collègue qui a choisi de partir pour rester fidèle à son exigence de qualité, qu'il estime ne pouvoir respecter dans le projet ici.

Un PSD va se faire coiffer et laisse sa kalachnikov à deux pas du fauteuil du coiffeur.

Ali Shakir dit que le français, ça sonne comme le chant des oiseaux. Dans la salle de muscu, il soulève des poids de dingue ! Il rit quand je lui dis qu'il exagère !

Le projet recrute, et lors d'un entretien, un candidat renonce au poste proposé, quand il apprend qu'il faudra aller dans les ministères. Il dit :"Quatre de mes collègues ont disparu ces dernières années, en circulant dans Bagdad. Je préfère un emploi de bureau à proximité de là où je vis."

Le soir, vers huit heures, la lumière devient douce et colore les palmiers et les maisons. On se croirait presque en été dans le sud de la France, quand il a fait très chaud, mais que la soirée apporte un peu de fraîcheur, quand on débouche le rosé et qu'on allume le barbecue, quand on sait qu'on va passer une bonne soirée entre amis...

La nuit, quand le ciel est clair, on voit très bien les constellations. C'est la porte ouverte sur le rêve. Je ne me prive jamais de regarder briller les étoiles, ici...

Des immigrés américains me racontent à quel point la société là-bas est matérialiste, chacun pensant d'abord à sa voiture, son téléphone mobile, insouciant du reste du monde. Je n'en demande pas tant de leur part. Leur description ne fait que conforter la vision d'une Amérique décadente.

Le soir, après avoir marché, Jawad, Ali et moi, on s'assoit sur la terrasse du Flamingo, le bar du compound. Et on discute. De tout, de rien, comme il convient quand on fait ça tous les soirs. Ce soir-là, Ali nous raconte un souvenir d'enfance.
J'ai déjà parlé ici d'Ali, grand père jordanien d'origine palestinienne, rond et facétieux.

Il se souvient d'une nuit de 1947. La Haganah menaçait d'attaquer son village. Ceux qu'on appelait les terroristes étaient les sionistes, en ce temps-là.
Son père avait une crise de coliques néphrétiques, cette nuit-là, et pourtant il fallait fuir, laisser la maison et fuir, de peur d'être massacré. Sa mère vint le réveiller et lui dit de se préparer, de faire vite... son père pouvait à peine marcher, mais il prit la route avec eux. La mère avait pris son plus jeune fils sans le réveiller, elle le portait contre elle, avec le coussin sur lequel il dormait.
Après avoir marché quelque temps, son père a dit qu'il ne pouvait pas aller plus loin, qu'il resterait là sur le bord de la route. Et Ali et sa mère ont poursuivi le chemin, terrorisés, dans le noir absolu...
Après un moment, sa mère s'est rendu compte avec un sentiment d'horreur que ce qu'elle portait contre elle, ce n'était que le coussin, que le bébé n'était pas là! Que dans sa hâte, et avec le souci du père qui ne pouvait pas les protéger, elle avait cru emporter son enfant, mais qu'elle n'avait pris que le coussin...
Il fallait retourner de toute urgence à la maison, pour récupérer le bébé. Sur le chemin, Ali se souvient de son père qui souffrait, et qui les encourageait à se dépêcher.

Il termine l'histoire en disant qu'il lui a fallu cinquante ans pour retourner dans son village. Et que le plus douloureux pour lui, était de se rendre compte qu'une grande partie des villages qui étaient là auparavant avaient purement été rasés. Il ne restait même plus un tas de pierres pour témoigner qu'avaient vécu là des familles, pendant des générations.

Pour finir, des nouvelles du cousin de Hala : il va mieux, il a été transféré à Amman et son état s'est amélioré.

jeudi 5 juillet 2007

Histoire pour sourire et post scriptum pour de vrai


Un matin, au petit dejeuner, Ali se leve et va chercher une deuxieme tasse de cafe. En passant, il ne peut s'empecher de compter, dans l'assiette de l'un de nos gardes, douze oeufs au plats. En retournant s'asseoir, il ne peut s'empecher de raconter a Jawad combien il est impressione par la quantite d'oeufs que ce gars va ingurgiter. Et tous deux de rire et de s'esclaffer...


Plus tard dans la journee, Ali doit faire appel a quelqu'un pour l'aider a porter une caisse lourde. Se presente alors le meme garde, qui souleve sans grand effort l'enorme caisse.


Ali, est un gaillard roublard, faussement naif et rond. C'est un jordanien qui s'etonne toujours du cours que prend la vie. Il a toujours envie d'aller a Paris, ou a Moscou, toujours envie d'inventer une facetie pour rendre la vie du compound moins ennuyeuse...


Voyant le garde soulever la caisse, il lui dit "Vous, vous meritez de manger au moins douze oeufs chaque matin !" A quoi repond fierement le garde "C'est ce que je mange au petit dejeuner !"


Le matin, lorsqu'il me voit arriver au petit dejeuner, Ali m'indique une chaise proche de la sienne. Pour le simple plaisir de me voir poser mon assiette et m'asseoir, epuise et desespere devant la perspective de commencer la journee. Il rit.


P.S pour de vrai : le cousin d'Hala ne va pas bien, il est dans un etat instable, bien que l'eclat ait ete enleve de sa gorge.

mardi 26 juin 2007

SEQUENCE EMOTION

Un matin comme un autre... Voila ce que c'etait, un matin comme un autre. Il y avait ceux qui perforaient des fiches pour les mettre dans des classeurs, celles qui traduisaient, une qui telephonait, moi, je sais plus trop ce que je faisais... mon plan de travail trimestriel, je crois.

Et puis, il y a eu un moment ou tout s'est ralenti, ils ont tous tourne la tete vers la plus jeune du bureau, les conversations se sont arretees d'un seul coup, il y a eu un court instant de silence, puis tous ont parle en meme temps. Hala, la plus jeune, est partie en courant vers la salle des imprimantes, les autres l'ont suivie. Sur leurs visages, il y avait une gravite que je n'avais jamais vue.

Ma collegue irako-canadienne s'est levee et a lache "un attentat suicide a l'hotel Al Mansour". Je me suis leve, je me suis dirige vers la salle des imprimantes, mais ils etaient tous dans un couloir. Je ne savais absolument pas quoi faire. Je ne veux pas importuner, mais je voudrais en savoir plus... je tourne en rond dans le bureau...

Puis, ils reviennent, l'air abattu...
La collegue dit "L'hotel Al Mansour, c'est la qu'ont lieu les formations, aujourd'hui! Ali et Ayad sont la bas !" les telephones mobiles ont surgi dans toutes les mains, se sont mis a resonner.

Rapidement, on a su que les deux formateurs, leurs assistants et les stagiaires etaient hors de danger. Mais le cousin de Hala qui travaille a l'hotel est blesse... elle s'accroche a son telephone, cherche a savoir... tous autour d'elle la soutiennent du regard, de la voix... Bushra, la chef de la division lui tend les bras...

Certains partent a la peche aux informations aupres des PSD, les autres essaient de travailler...

Le reste de la journee fut long, morne, et je dois dire que mon travail fut tres peu productif...

mercredi 20 juin 2007

PARANO FICTION !


A voir rester vides la liste de commentaires et ma boite e-mail, je peux soit deviner que le temps est trop agreable en France pour se coller devant un ordinateur, ou croire que l’Internet est affecte par un monstrueux virus qui bouffe au passage les innombrables emails qu’en realite vous m’ecrivez chaque jour…

Il y a peut-etre une autre explication, que je trouve bien plus satisfaisante, car tellement realiste… Tout concorde pour la rendre credible, alors que celle du virus, on voit tout de suite que ce n’est pas possible…

Ces dernieres semaines, le monde exterieur a l’Irak a ete completement englouti. Il ne reste plus rien de la realite que j’ai connue avant de venir me perdre ici. Simplement, pour ne pas desesperer Billancourt (enfin, Philippe, mais j’ai atteint un tel degre de paranoia que je peux bien me parer du nom de Billancourt… et de toutes facons, si vous n’existez plus, qui s’en soucierait donc !!!), pour ne pas desesperer Billancourt, disais-je donc, on a installe un ordinateur super puissant, dote d’un programme ultra sophistique.

Ce programme est capable d’analyser, a partir des mails, posts sur mon blog et autres conversations sur skype, l’ensemble de mon humeur et de mes emotions, puis de simuler des reponses appropriees, qui entretiennent l’illusion.

Toutefois, cet ordinateur n’est pas capable de simuler des messages autres que des reponses. Donc, si je n’ecris pas, je ne recois rien. Des lors, tester votre enthousiasme et votre envie de m’ecrire ne peut que me conduire au desespoir ! Et accroitre ma dependance au systeme de relations simulees !

Cette experience, digne des naufrages, (Lost) est d’une incroyable cruaute. Mais elle met a jour la relation de dependance qui se cree entre celui qui est loin et ceux qui sont restes. D’une part, elle accentue jour apres jour l’impression d’abandon, et d’autre part, elle recentre sur un nombre limite d’individus le nombre de communication emises. Sitot que je cesse d’emettre, le contact se deteriore. Il ne peut se regenerer qu’a mon initiative. Ce qui m’entrainerait, si je voulais maintenir tous les contacts, dans une epuisante activite de correspondance.

Cela montre bien, aussi, qu’on n’a pas forcement conscience, tant qu’on y baigne, d’etre dans un reseau de relations sociales tres denses et qui soutient notre vie personnelle, notre discours interieur se referant sans cesse a ces interactions simples et pourtant indispensables. Mais de meme qu’on n’a conscience de l’importance que de ce qui nous manque, c’est lorsqu’on est transporte hors de ce tissu, qu’on en eprouve tout le poids sur et dans notre vie.
Ce dont on n’a pas forcement conscience, c’est l’epaisseur de ce tissu, sa densite. En effet, on pourrait se recreer un reseau, mais il faut du temps pour recreer un reseau avec lequel on puisse evoquer des sujets personnels avec le meme degre de confiance.

Et c’est la que le programme de cet ordinateur de relations simulees m’impressionne : sa capacite a « deviner »le degre de confiance, la profondeur de la relation qui existe avec tel ou tel interlocuteur… ainsi que le ton, le type de langage, le vocabulaire, les sujets habituels… Ce qui suppose une puissance de calcul enorme, mais surtout des programmes d’analyse linguistiques et semantiques particulierement developpes !

Je voudrais me renseigner avec les collegues, pour verifier s’ils ont la meme impression que moi, a propos de ces relations simulees, mais je crains qu’ils ne soient des comparses de l’experimentateur cruel et vicieux… Car il est bien possible que rien n’ait disparu, mais que cette idee ait ete implante dans mon esprit, par des messages subliminaux, soit dans la musique qu’ecoutent les pretendus collegues de travail, soit a la pretendue television… comment savoir ?

vendredi 15 juin 2007

Un chaud silence s'est installe sur le compound


Avec l'installation du couvre-feu, nos collegues locaux ne peuvent plus venir, les bureaux sont deserts. Le personnel de maintenance, les gens qui font les travaux et tirent des cables ont laisse vide l'unique rue du compound... C'est comme un dimanche apres-midi, mais nous, nous travaillons.

S'il arrive a Saint Petersbourg que le vent charrie des lames de rasoir de gel, ici s'est leve un vent brulant, obstinement chaud, comme un ocean de flammes qui viennent lecher la moindre partie de peau exposee. L'ombre des murs de beton peut proteger du soleil, mais elle ne peut rien contre le vent. On annonce 48 C a la television. On reflechit a deux fois avant de se decider a traverser le compound pour aller manger. N'etait la promesse d'un peu de fraicheur a la piscine, je ne serais sans doute pas sorti de ma chambre cet apres-midi.


mardi 12 juin 2007

Du boulot et de ses rejouissances

Ca vous dit, quelques mots sur mon boulot ? C'est pas comme si vous saviez pas ce que c'est de bosser, mais disons que la, c'est un peu different de ce dont a l'habitude. Different par la taille, en particulier. Par exemple, un jour je disais que telle solution etait moins chere que telle autre, et la reponse a fuse "L'argent n'est pas un probleme, on a de l'argent"...

Le projet Tatweer est un projet de plus de 160 millions de dollars ; il a pour objectif d'ameliorer les performances de l'administration publique irakienne. Il est subdivise en deux parties. L'une est celle du conseil, ou des consultants travaillent aupres des Ministeres, pour ameliorer la productivite, la facon de produire des politiques publiques, des regulations et de la legislation...
L'autre, la mienne, organise des formations dans cinq domaines : Ressources Humaines, Gestion de Projet, Leadership et Communication, Gestion Financiere et Budgetaire, Planning Strategique. Nous avons pour objectif de former 38 000 fonctionnaires, sur trois niveaux le dernier etant celui de formateur.
Mon role est de coordonner les activites des trois centres regionaux de formation (Erbil, au Kurdistan, Mossoul, et Bassorah, dans le sud), ainsi que de m'assurer de la coherence des programmes sur le territoire.
Comme on en est a la mise en place des centres de Bassorah et de Mossoul, je suis plonge dans des dossiers de recrutement et d'achat de materiel...
Plus tard viendra la phase de lancement des activites et de suivi de formation, ce sera plus mon rayon habituel. Mais c'est interessant de faire des choses nouvelles !

Ce qui me donne l'occasion de poser a tous mes lecteurs une question posee par un collegue irako-canadien (avec un truc comme ca, je devrais voir des commentaires et des mails!!!) :
"A quand remonte la derniere fois que vous avez fait quelque chose pour la premiere fois ?"

mercredi 6 juin 2007

Quelques mots a propos de la sortie

Tout d'abord, il faut se mettre dans l'ambiance : gilet de protection et casque, assis sagement dans le gros 4X4, pas de conversation a haute voix, les PSD doivent pouvoir entendre par radio les informations qui viennent des autres voitures.
La voiture de tete avance droit, clignotants et sirenes a fond et les hauts-parleurs hurlent en arabe, des ordres de s'ecarter...
Nous, ceux qu'on appelle les clients, sommes dans la deuxieme voiture.
Derriere, un troisieme vehicule ferme la marche et fait en sorte que nous ne soyons pas des cibles au coeur de la ville !

Donc, ca ne traine pas, on ne musarde pas en route, a regarder les vitrines ou les parcs publics... Il y a bien des vitrines et des parcs publics, mais les unes sont bien pauvres et les autres a l'abandon...

Les rues sont sales, tristes, les gens ont l'air decourage, ils marchent les epaules basses, le poids du monde sur leur dos... L'espoir semble avoir deserte leur pays.

Parfois, de noirs fantomes traversent le paysage de poussiere, femmes mysteres, ombres de vie...

L'armee nationale est dans la rue, mais elle n'inspire pas, je dois le dire, la meme confiance qu'une patrouille americaine... Ces soldats irakiens ont l'air de figurants pour serie Z !

La circulation automobile est intense, anarchique, coloree, presque incoherente avec le reste !

La sortie se passe sans la moindre anicroche, on rentre a temps pour le dejeuner au compound, donc, tout va bien !

lundi 4 juin 2007

Bagdad, exterieur jour




















































De ma premiere sortie hors du compound, des photos prises a la volee, a travers la vitre du vehicule, sans cadrage, sans recadrage non plus, juste des instantanes silencieux...


A chacun de se faire son commentaire.



Pour ma part, en rentrant, quand les collegues irakiens m'ont demande comment j'avais trouve l'exterieur, les seuls mots qui me sont venus ont ete "devaste, triste, poussiere..."


More words in the coming days!

vendredi 1 juin 2007

Rubrique securite (2)


La, pose sur mon lit, mon gilet pare-balles et mon casque. Ce gilet pese un ane mort ! je me vois deja transpirant comme un boeuf sous le gilet et le casque, cet ete, quand nous irons en rendez-vous chez nos interlocuteurs irakiens ! Regulierement, quelque collegue irakien nous previent qu'en ete, la temperature depasse les 45 et va chatouiller les 50...
Sans compter que je ne suis pas sur que ca aille bien avec mon costume sable, ni meme avec le gris... Certains portent le gilet sous la veste de costume, histoire de garder un peu de dignite, je suppose, ou de confort... Bref, pour le defile de mode, on repassera!

Rubrique securite (1)


Voici l'un de nos gardes angolais... La photo a une histoire, bien-sur ! La veille, lorsque j'ai voulu faire une photo de la maison, il est venu vers moi et il m'a dit qu'il est interdit de faire des photos a l'interieur du compound et que si je suis vu par le responsable de la securite, il aura des ennuis. Ensuite, il a demande par talkie-walkie, si je pouvais faire une photo de la maison. N'ayant pas de reponse, il m'a laisse faire. Ensuite, je lui ai propose de faire une photo de lui et il a ete convenu qu'on la ferait le lendemain, pour ne pas prendre de risque. Il s'est donc mis devant ce mur de beton, pour qu'il soit impossible a quiconque verra la photo d'identifier le dispositif de securite du compound.
Depuis, chaque fois que je le croise, on echange un sourire...
Il voudrait bien partir en Australie, apres ce contrat, pour demarrer un business a lui, qui n'ait rien a voir avec la securite.
S'il vous plait, n'allez pas melanger ces gens avec des mercenaires : ils ne font en aucun cas la guerre, ils assurent la securite du compound, c'est tout.

Quelques images du paysage enchanteur ou je travaille (suite)

Le chantier de la mosquee inachevee. A l'origine, ce devait etre la deuxieme plus grande mosquee du monde.
Vue du toit, en regardant vers le nord. On a une vue interessante sur le compound, surtout les alentours des maisons, la ou l'on ne va jamais!

Vue du toit, en regardant vers l'est



Quelques images du paysage enchanteur ou je travaille !





Au loin entre les palmiers, la Tour de la tele

jeudi 31 mai 2007

Des mots venus d'ailleurs

Ce matin, une courte discussion avec deux collegues irakiennes... quelques mots venus de l'autre cote du mur du compound, quelques mots de ceux qu'on ne voit pas a la tele...
(J'espere ne pas trahir leur message)
"La vie en Irak est vraiment horrible : on se sent menaces tout le temps, on vit enfermes, on a peur pour nous, mais surtout pour nos enfants"
"J'ai envoye mon fils dans le nord, la ou c'est moins dangereux, mais il veut rentrer pour les vacances, je me fais vraiment du souci : ici, on sort acheter le pain et on risque de ne pas rentrer... Les garcons jouent dans la rue, et ils se font mitrailler..."
"On ne peut meme pas depenser son salaire : il n'y a rien !"
"L'autre jour, tous les membres du bureau, on est alles au restaurant ensemble, et on a passe la soiree a regarder par la porte si quelqu'un n'entrait pas pour tirer. Juste apres notre passage, il y a eu une fusillade dans la rue ou nous etions... C'est fini les sorties ensemble!"
L'une est chiite, l'autre sunnite. elles sourient en se montrant mutuellement du doigt : "c'est elle l'ennemi" "Pendant des siecles, on a vecu ensemble, mais a cause des americains, c'est impossible"
"Avant, on pouvait se retrouver en prison pour un mot, une blague, on pouvait se faire executer sans raison, mais on se sentait quand meme en securite, on pouvait vivre" "Maintenant, ce n'est plus vivre"
"Ma vie est fichue, je me fiche de mourir, mais mes enfants ont besoin de moi, il faut que je fasse attention pour eux."

Un collegue libanais a lui discute avec les gardes irakiens. A une exception pres, ils regrettent tous "avant". Meme celui qui a fait cinq ans de taule a cause du fils de Saddam, sans raison valable.

Et pourtant, ils font tous de leur mieux pour que la vie continue, ils emmenent leurs enfants a l'ecole ou a l'universite, ils viennent travailler, des fonctionnaires s'entassent a 38 dans une salle pour 25 pour suivre une formation Ressources Humaines...

lundi 28 mai 2007

Voila la Tatweer House, ou j'habite! Au mois six chambres, et je ne sais combien d'espace en cours d'amenagement pour des bureaux !
(Tatweer est le nom du projet, en arabe)

Une journee a peu pres typique

Ca y est, une semaine que j'y suis ! Comment s'organise une journee a peu pres typique pour le Training Coordinator que je suis ici...

A 7h30 sonne le telephone mobile, il faut deja se reveiller et aller a la douche... Vers 8h00, j'arrive au restaurant. The, saumon fume, oeufs brouilles, pain complet, ou parfois cereales... et ensuite, direct au bureau.

Selon les jours, reunions, mails, fiches pedagogiques a rediger, rapports a lire, encouragements au formateur qui part faire son seminaire...

Aux alentours de 12h30, descente au restaurant : chaque jour a plus ou moins son theme culinaire... aujourd'hui, c'etait l'Italie, demain je crois me souvenir que c'est Tex-Mex...

Petit passage rapide chez moi, pour un court instant de solitude, et retour au bureau. A peu pres comme le matin, en termes d'activites, jusqu'a 17 heures en general, sauf s'il y a quelque chose a finir en urgence.

Ce soir, en rentrant, j'ai voulu me reposer 10 minutes avant d'aller faire du sport, et j'ai dormi 1 heure ! Ensuite, cardio training, repas, ( vers 19h00, 19h30) et marche avec deux collegues. J'alterne la marche et la biere au bar ! Ce qui permet aussi de ne pas passer tous ces soirs avec les memes.

Puis vient le temps de skype, des mails persos, quand il y en a ( pas beaucoup, il faut bien le dire), et vers minuit, petite douche et dodo !

Et ca se repete six jours sur sept !

jeudi 24 mai 2007

Un peu d'air

Ce soir, en sortant du bureau, je suis monte sur le toit de ma villa... histoire de prendre un peu l'air. Faut dire qu'il fait actuellement 40 a 42 degre C... et que je manquais un peu d'horizon !

De la haut, on a une belle vue sur le chantier de la mosquee, qui devait etre la deuxieme plus grande du monde, mais qui n'a jamais ete terminee. Une vue sur le qurtier residentiel qui entoure le compound, aussi. Toutes ces villas ont du etre tres belles. Elles abritent des magistrats, des professeurs, des medecins... l'elite...

L'unique rue qui s'use sous nos aller-retours des le soir venu commencait a me fatiguer par le manque de vue... mais la cerise sur le gateau a ete la courte conversation avec le garde en faction sur le toit. Un angolais, qui m'a gentiment prete ses jumelles, pour jeter un coup d'oeil sur les environs. Il m'a explique ce qui se passe aux alentours, qu'il y a parfois des operations d'intimidation, mais rien de grave.

En bon individualiste, je me suis trouve un coin dans la villa pour lire et fumer un havane sans polluer ma chambre, un coin lecture... pour savourer en plein territoire de la pensee unique, quelques pages de Chomsky!

Disneyland - Bagdad

Ca m'a pris du temps d'arriver a Bagdad... du temps coince dans trois aeroports, du temps au bord de la piscine, aussi, il faut l'avouer...

L'avion qui devait m'amener a Bagdad le dimanche etait en panne, donc retour a l'hotel, sa piscine, ses chambres luxueuses, son atmosphere de palace international.
Quand le bus m'a depose a l'arriere du C130 qui nous emmenait a destination, j'ai ete saisi par le contraste ! Passer du palace a l'avion militaire, c'est un choc. Mais le choc s'est renouvele au debarquement. Aeroport militaire, donc plein de soldats US, exactement comme dans les films : le pas decontracte, la machoire en peine action de rumination... Jamais je n'aurai cru qu'ils mettent tant d'application a ressembler a l'image qu'on a d'eux !

Passons rapidement sur les heures d'attente dans la chaleur et la poussiere, dans l'ignorance surtout de ce qui allait m'arriver ; heureusement deux employes du Departement d'Etat ont bien voulu passer les coups de fil necessaire pour qu'on previenne quelqu'un de mon arrivee et qu'on vienne me chercher.
Passons aussi sur les heures a attendre un collegue qui rentrait de vacances par le vol de Dubai, et qui avait quatre heures de retard.

Bien sur, en arrivant au compound, j'etais completement desoriente. Je n'ai pas encore retenu tous les noms de ceux qu'on m'a presente ce soir la, mais ce fut tout de meme une tres bonne soiree.

Depuis, je decouvre mon nouvel univers, une prison de luxe de 200 m de long sur environ 50 de large, ou nous sommes peut-etre 200.
J'habite dans une villa, assez sympa, ou j'ai une chambre, bien isolee du reste, et confortable. Hormis un lit (immense), il y a une armoire et un bureau, une tele, une coiffeuse et un fauteuil...

La villa est situee a 150 metres du coeur du "village", le restaurant et le bar, ou sont aussi le coiffeur et la salle de sport. Le bureau ou je travaille actuellement est aussi tout pres du restau.

La vie sociale est assez intense, malgre la pauvrete des evenements a commenter. Il ne se passe rien, et ceux qui regardent la tele commentent les infos. Les autres racontent des blagues ou, le plus souvent, parlent boulot.

Pour tout dire, une fois enferme dans le compound, on ne sait plus si on est vraiment a Bagdad ou sur une ile americano-arabe ! Le decor et les langues qu'on entend le laissent a penser. La realite exterieure ne se manifeste que sous la forme de survols d'helicopteres, et aussi par l'omnipresence de gardes armes et de regles de securite draconiennes.

Il est donc facile, dans cet isolement (mais cela changera des que j'aurai a sortir pour vister mes interlocuteurs des ministeres et des centres de formation), de travailler et de prendre la vie du bon cote !

jeudi 17 mai 2007

Quand ça se précise

Vient un moment où l'on a vu presque tout le monde, où l'on a acheté les derniers trucs, où il faut se mettre à empiler ce qu'on veut emporter dans la valise...
Là, même entouré, on est seul ! Comme on sera seul à embarquer, seul à trembler à l'atterrissage (et s'il n'y avait personne pour me récupérer à la sortie!), seul pour s'endormir à Amman, seul à se demander à quoi ressemble un vol militaire sur Bagdad...

Mais cette solitude, ce n'est que la compagne habituelle du voyageur. Elle poisse un peu, mais, on la connaît bien. Même pas peur, comme on dit !

Alors, que vienne le moment où l'on va découvrir Bagdad, enfin, l'endroit dont on parle ! Qu'on en finisse avec cette inaction, cette attente...

mardi 15 mai 2007

Avant de partir


Allez savoir pourquoi, avant de partir, on songe déjà à comment ce sera là-bas, comment on va s'adapter, pourquoi on y va... Un rien d'inquiétude vient hanter la fin de mes nuits. Et si j'allais échouer ? Et si je revenais avant la fin du contrat, comment survivre à la honte ? Comment dire à la face du monde, je n'ai pas tenu le coup ?

Depuis deux ou trois jours, je cherche des informations sur l'Internet, j'essaie de savoir, de diminuer l'incertitude du futur.
Parfois, j'ai un peu peur... Mais chut, il ne faut pas le dire !


Mais dans le même temps, je sais bien que dès que l'avion va décoller, je serai dans l'action, il n'y aura plus de place pour les questions.

Mais avant, préparer la valise, faire les derniers achats, voir les potes...