vendredi 25 décembre 2009

Comme une Palestine intérieure

Après quelques mois, rentrer au bercail devient comme un rêve, une nécessité qui se déguise en impérieuse pulsion... Chacun connaît ses signaux. Pour moi, dès que je commence à jurer en français dans la rue, contre la circulation, il est temps de rentrer, temps d'aller en France recharger les batteries.

Mais la France est elle encore telle que je l'ai laissée ? Malheureusement, le pays, celui où sont mes attaches s'éloigne toujours plus de celui qui s'est construit dans mes rêves. Bien-sûr, Crussol et son château sont toujours là où je sais pouvoir les retrouver. Bien-sûr, le Vercors accueille toujours la nuit comme la marée montante, chaque soir d'été...

Mais l'essence de la France m'échappe : la mémoire raffine les souvenirs, en fait une essence particulière qui se substitue au réel. Chaque arrivée en France est une expérience dépaysante. le pays ne m'est pas étranger ; c'est moi qui le suis devenu. Il faut toujours un temps pour se ré-adapter, se ré-approprier les paysages, les codes, voire la langue... Quand on travaille en anglais, quand on vit en anglais, on finit par penser en anglais, et l'on oublie les mots de la conversation...

Il y a peu, en référence au film "Les routes de Madison", quelqu'un m'a dit que je suis un citoyen du monde, qui n'a besoin de personne en particulier et de tout le monde en général. Même si cela souligne l'impossibilité pour nous autres nomades, de s'attacher aux lieux ou aux personnes, je ne veux pas être seulement de passage. J'ai besoin de savoir qu'il y a quelque part, un endroit où je peux poser ma tête et dormir tranquillement. Moi, je me vois plutôt comme un Palestinien : j'ai un pays, je peux le voir et le toucher, mais je ne peux plus l'habiter. Le réel de ce pays m'est devenu étranger. Mais contrairement aux vrais palestiniens, l'appel de l'ailleurs est trop fort pour que je résiste longtemps. Que vive mon pays, sans moi, car ma vie est ailleurs.

L'autre jour, une apprentie expatriée me demandait comment raconter, comment faire comprendre à ceux qui sont restés, ce qu'on a vécu. On ne peut pas partager l'expérience qui consiste à penser à eux et à apprécier en même temps de vivre ce qu'on vit. On peut partager des anecdotes, raconter des choses vues et vécues. Mais l'expérience intime, la transformation qui se fait en nous, cela, il faut les vivre pour les comprendre.

Je pense parfois à ceux qui n'ont pas choisi de s'exiler, ceux qui sont poussés loin de leur pays, de leurs familles, par la faim, par la misère... je pense à la détresse de cet exil, à la tristesse qui les étreint sans doute, des années durant...
C'est à eux, qu'il faudrait demander ce qu'ils pensent de cette vie au loin...

lundi 14 décembre 2009






Glisser sur la route, Berlioz à fond dans les haut-parleurs, glisser vers l'est, vers l'autre bout du pays. La route est bordée de ces maisons typiques du Guyana, montées sur pilotis, en bois peint... Selon les cas, la peinture est neuve et la maison pimpante, ou bien écaillée et un peu triste... Les jardins des maisons hindoues sont ornés de drapeaux dédiés aux dieux, ou à leurs avatars divers...

À la longue litanie des maisons succède bientôt une immense cocoteraie, qui semble un oasis de calme, un cliché de tropiques... C'est presque trop beau pour être vrai. Ce vert, le bruit du vent qui caresse doucement les arbres, la lumière elle-même se fait plus douce... C'est une grande plaine agricole, traversée de drain et de canaux, longues lignes grises au milieu de toutes ces nuances de vert...

Dans les près, des vaches, des chevaux... il s'en faut de peu pour se croire en Camargue : n'étaient l'horizon bordé de cocotiers et la couleur des chevaux... tout est là !

À mesure qu'on s'éloigne de Georgetown, les villages semblent plus paisibles, la circulation est moins frénétique, l'atmosphère plus tranquille... La grande plaine agricole, longues lignes droites bordées de champs et de près, quelques ânes, des carrioles... La route enjambe des rivières, longe de nouvelles cocoteraies, traverse des villages. A Berlioz succède Grieg.

Bientôt se présente un poste de péage, un panneau annonce les tarifs, 220 dollars guyanais pour traverser la Berbice. Quand on parle de fleuve, ici, ce n'est pas pour désigner quelque vague cours d'eau qui serpente à travers la plaine. Non, un fleuve, ici, c'est un flot puissant, large, étalé, et un pont, c'est en partie une structure flottante, avec en son milieu un vrai pont apte à laisser circuler le trafic fluvial.

Un peu plus loin , on entre dans une bourgade calme, avec une rue principale bordée de boutiques, de bars et autres restaurants... et au beau milieu de la bourgade, un bâtiment ancien, abandonné, un bâtiment en bois, flanqué de tours, entouré d'un jardin en friche... Un irrésistible désir de visiter ce lieu s'empare des voyageurs... Et nous voilà zigzagant au milieu des seringues inutilisées, de paires de lunettes écrasées, de dossiers médicaux couverts de poussière... Explorant des salles communes ouvertes à tous les vents, sautant les marches manquantes dans les escaliers branlants... Errant comme les passagers d'un film d'horreur dans les coursives de cet hôpital abandonné...

dimanche 15 novembre 2009

Samedi 14 Novembre, Taux de sucre 0,8, un peu faible

C'est le hasard des rencontres, qui fait la magie des voyages, la vie plus belle et qui permet de toucher du doigt la réalité sociale d'un endroit. c'est la hasard des rencontres qui vous jette sur la route un soir, en direction de, et sans autre but que, l'horizon jusqu'à la fin de la route... qui vous conduit dans un bar sans allure où toute sorte de gens jouent au billard... Où des gens qui ne vous connaissent pas prennent soin de vous, juste par ce que vous êtes arrivé avec quelqu'un qu'ils connaissent...

La semaine a commencé sur un petit succès professionnel à peine visible sur le moment, mais qui a pris une dimension plus importante au fur et à mesure que j'explorais les tâches à réaliser en dehors de mon domaine. Arrivé ici comme spécialiste en Ressources Humaines, me voilà à peu près assuré, outre ce domaine, de piloter une bonne partie du développement institutionnel du groupe de travail des travaux publics... Et, cerise sur le gâteau, j'espère bien pouvoir embaucher un expert local pour me seconder sur mon domaine d'origine !
Je pense que le boss est plutôt content de voir que cet aspect du travail, qui originellement lui revenait, sera pris en charge par un autre. Il est empêtré dans les relations politiques avec les parties prenantes institutionnelles et la délégation européenne... le projet a mis tellement de temps à démarrer que la plupart des experts sélectionnés au moment de la rédaction de la proposition ont trouvé du travail ailleurs, n'ont plus envie de venir au Guyana...

Faut dire que vu de l'extérieur, ce n'est pas un pays très attirant : à quelques heures de vol, les îles des caraïbes, leurs plages et leurs cocotiers font par contraste du Guyana un pays triste et sans attrait. En termes de tourisme, au Guyana, il vaut mieux chercher du côté de la randonnée, de l'aventure sur les rivières, de l'observation de la vie sauvage... L'océan boueux, l'absence de plage font de la bande côtière un paysage dédié à l'agriculture et aux habitations.
Le niveau de développement est assez faible, même comparé à d'autres pays des caraïbes (je me fie là à l'avis autorisé de mon boss!).
Ce qui n'empêche pas les barons de la drogue de rouler en Hummer et autres roadsters BMW... Aux disparités classiques du Tiers-Monde s'ajoutent celles liées au narco-trafic.
Pourquoi un pays situé sur le continent sud américain s'identifie-t-il uniquement aux caraïbes, s'opposant à la réalité géographique, ai-je-fini par demander. Eh bien, pour des raisons purement culturelles : le Guyana est anglophone et n'a rien de commun avec les pays latins qui avoisinent... D'ailleurs, on prononce "gaillana", à l'anglaise. On roule à gauche et on a un système politique et administratif hérité du colonisateur anglais...

Et pour clore la semaine, samedi était la journée mondiale du diabète, et je me suis retrouvé sous une tente, à tendre mon doigt, pour faire mesurer le taux de sucre dans mon sang ! J'aime ce genre de moment inattendu et sans conséquence, où l'on se laisse emporter par une impulsion, un grand sourire dessiné sur le cœur, juste pour voir où ça mène, juste pour se mêler aux autres, frères et sœurs humains sous le soleil...

dimanche 8 novembre 2009

De l'influence des promenades sur la digue sur la parution du blog

Samedi soir à nouveau, le frigo est plein, l'évier est vide, mon moral est encore plein d'espoir pour la soirée à venir...
Une heure à tuer, je vais sur la digue, accompagné par les "Ogres de Barback"... Le soleil n'en finit pas de se coucher et d'illuminer le filet de nuages qui flotte au dessus de Georgetown. Je prends une super ration d'horizon, pour doper mon esprit. Je souris en pensant au vieil océan, à l'homme libre qui en moi chérit la mer... j'admire la force des vagues et leur inlassable énergie...
Oui, rien ne surpasse la fluidité, quand il s'agit d'être fort.

Souvent, les communautés d'expatriés sont de pathétiques réunions de gens aigris, un peu lâches, gavés d'avantages dont ils n'ont pas conscience. Chaque mercredi soir, à l'initiative d'un employé de la délégation européenne, nous nous retrouvons dans un bar, pour déverser notre bile et nous encourager mutuellement. A part permettre de descendre quelques bières dans le vent marin, c'est une soirée inutile.
Pour ma part, j'adopte l'air un peu ahuri que je réussis bien, et je fais semblant d'être à la fois là, et idiot. Il y a une part de "politique" de notre part, à se montrer à ce rendez-vous, dans la mesure où il est organisé par un membre de la "délégation"...

Ce soir, pendant la promenade au bord de l'horizon, ce même employé de la "délégation" me téléphone pour m'inviter à dîner chez eux, sa femme et lui. Par chance, John est invité aussi. Nous y allons, souhaitant que ça ne dure pas trop. Tout au long de la soirée, la conversation languit. On visite tous les clichés, les uns après les autres, cela va de la limitation des naissances en Chine aux enfants dans les avions, des vins de l'hémisphère sud à la nullité de ce pays... Au bord de la nausée par ennui, nous finissons par lever le camp.
J'avais rêvé de sortir en boîte, ce soir, mais je crois que l'envie a été anéantie par le dîner chez les anglais...

Ce pauvre Chris, de la "délégation" doit s'ennuyer tellement dans son boulot qu'il s'est mis en tête de piloter un projet d'implantation de mangroves. Et de participer à la mise en œuvre de notre projet, aussi... Le mélange des genres n'a jamais rien donné de bon. Il faudra sans doute le lui dire !

Tous ces exercices imposés, dont on ne perçoit bien la vacuité et l'inutilité que lorsqu'on les pratique dans un contexte dont le sens n'est pas visible et dont l'importance n'est pas vitale pour nous personnellement, tous ces exercices tendent à montrer de la vie l'image d'une suite de contraintes idiotes, de petites lâchetés, de petits arrangements avec nos désirs. Comme si on passait un temps énorme à des choses qui n'ont pas d'importance, comme pour échanger une part de nos vies, contre quelque chose dont ne sait rien, mais qu'il semble important d'avoir, ou de faire semblant de désirer.

lundi 26 octobre 2009

Guyana, un mois !

Samedi soir, le soleil va se coucher bientôt, la journée a été active : marché, courses au centre ville... un (petit) peu de ménage... Je me décide pour un petit tour sur la digue.

Je traverse l'autoroute, saute sur la digue et me dirige vers le soleil couchant. Les silhouettes des cocotiers se dessinent sur le bleu clair du ciel, les couples s'enlacent dans la brise humide... Samedi soir sur la Terre, un peu partout sur la planète, samedi soir est synonyme de détente, de liberté, de temps devant soi...

Je marche sur la digue, ma musique dans les oreilles, un grand sourire aux lèvres... les regards que posent certains promeneurs sur moi me rappellent que partout sur la planète, certaines choses vous collent à la peau... Et avec elles, des stéréotypes, des images toutes faites...
Bien-sûr, il est des endroits où il suffit de garder la bouche fermée pour ne pas avoir l'air trop étranger. Mais partout ailleurs, on n'échappe pas à la couleur de sa peau. Et aux clichés qui l'accompagnent...

Après le petit tour à pied, je prends une grande décision : assez de soirées passées à faire le légume devant la télé, assez de regrets le dimanche matin, de ne pas être sorti... Direction le restaurant chinois de Buddy's.
Buddy's, c'est un complexe de loisirs, avec la salle de muscu, un bar équipé de billards, un club, et le restaurant chinois où je suis installé. Une ambiance plutôt agréable et une cuisine fort sympa, même si elle n'est qu'une peu fidèle interprétation de la cuisine chinoise.

Pour ne pas rentrer trop tôt, je fais une station à la salle de billard. Même si je joue comme un pied, j'aime regarder une partie avec de bons joueurs. Bientôt mon attention est entièrement accaparée par une table où jouent deux jeunes filles, aussi maladroites l'une que l'autre. Elles sont toute une bande, à attendre les deux joueuses. La partie est lente, les deux adversaires se disputant la palme de la maladresse.

Sous toutes les latitudes, un homme blanc seul au bar finit toujours par attirer une jeune femme qui prétendra être selon les cas, une femme d'affaires, une femme indépendante ou autre qualité qui la met à l'abri du besoin... Un jeune femme qui finit en général par admettre qu'elle est prête à passer la nuit avec l'homme blanc solitaire, en échange d'une somme d'argent... C'est en général un sketch qui ne manque pas d'intérêt, car on peut en suivre les développements et en annoncer les étapes à venir sans grand risque de se tromper...

Si un blog pouvait servir de baromètre de l'humeur, en relisant les posts des dernières semaines, on verrait comment on finit par prendre ses marques dans un nouveau pays, un nouveau projet, on verrait les oscillations de mon humeur, de mon moral, et on pourrait presque voir se dessiner le plan des rues que je connais, dans mon GPS personnel. Le processus d'acclimatation est en bonne voie !

dimanche 18 octobre 2009

Guyana Semaine 3 - Diwali

Des pluies intermittentes viennent rafraîchir l'atmosphère, commençant comme des averses puis s'intensifiant jusqu'à devenir un bombardement d'eau... Le toit de tôle retentit autant qu'il le peut de la violence de ce bombardement. Lors des attaques nocturnes, je suis réveillé et je me demande à chaque fois de quoi il peut s'agir... avant de réaliser que c'est juste la pluie.
Si la pluie rafraîchit l'air, elle accroît aussi l'humidité et la moiteur. Pour éviter d'être étouffé par cette lourdeur, j'ai appris à vivre au courant d'air. J'ai appris aussi à dormir avec la climatisation. Le soir, c'est donc un plaisir chaque fois renouvelé de venir se glisser sous le drap augmenté d'une petite couverture, dans une chambre préalablement ramenée à 25 degrés !
L'air, parfois est si moite que je me demande comment il ne flotte pas des algues autour de nous. Il devient épais, étouffant.

Ces derniers jours, je suis allé me promener sur la digue qui protège la ville de l'océan. Soleil couchant, on voit une brume chaude enjamber la digue et noyer les promeneurs dans son atmosphère floue... ici, on dit que la digue est lieu privilégié pour observer les oiseaux. Il m'a fallu quelques jours pour comprendre que les oiseaux qui paradent sur la digue n'ont pas de plumes...

La digue est le lieu de promenade par excellence. On y trouve donc des bars transportables, qui se déploient en fin d'après-midi les vendredi et les soirs, de simples glacières et des triporteurs avec compartiment à glace... On y voit donc aussi des oiseaux et des chasseurs...

C'est sur la voie qui longe la digue, que s'est déroulé la parade de Diwali. Une longue théorie de chars illuminés, couverts de minuscules lampes. Musique indienne coulant à flots, petites filles en habits traditionnels posées dans des lotus de papier, cela me rappelle les corsos de ma région... Dès sept heures, ce soir-là, la voie était impraticable, tant les familles étaient nombreuses, massées sur le bord, nombreuses les voitures garées de chaque côté... Pétards, feux de bengale, et toujours les marchands ambulants...
C'est la fête de la lumière, Diwali, où la déesse Laxmi vient dans chaque maison. Comme elle vient pendant la nuit la plus sombre, chaque famille se doit de nettoyer et d'illuminer sa maison...

Dans la semaine, je suis allé avec John à une soirée organisée par un night-club... si l'ambiance est la même un peu partout autour du globe, la décoration ici mérite d'être mentionnée : grand et froid comme un hall de gare, rythmée de piliers recouverts de carreaux... le tout digne d'un club pour jeunes dans la patrie du socialisme !

Et puisque on en est aux petites choses surprenantes... Il y a ici, à la télé une chaîne qui ne passe que des annonces de décès : on voit une photo du défunt, sur une moitié de l'écran pendant que défilent sur l'autre moitié, les noms des membres de sa famille, ainsi que le lien de parenté... Si l'on ajoute les canaux qui diffusent, pendant de longs moments, les prêches des diverses religions et sous filiales... il faut avoir de la chance pour tomber sur un film... Et de la patience pour supporter les innombrables coupures publicitaires ! Sans compter que la plupart du temps, la coupure est double : les spots de la chaîne américaine qui diffuse à l'origine, puis ceux de la chaîne guyanaise... avec entre les deux, à l'écran, les indications du magnétoscope et des touches à presser... quand il ne s'agit pas de long blancs, avec écran vide et sifflement prolongé... Bref, la télé est une distraction même dans ses pires moments !

lundi 12 octobre 2009

Guyana, semaine 2

Quand la semaine 2 a commencé, il était grand temps de mettre sur papier les quelques informations qui j'avais pu récolter de mes lectures et discussionspour le rapport de démarrage du projet. Mais malheureusement, la lumière ne se faisait pas, rien, l'obscurité... Des questions, encore des questions... mais si peu de réponses... Ce n'est que jeudi que ma partie, celle des Ressources Humaine, du rapport, prit forme. A la fois photo instantanée de la situation et commentaire sur les lacunes organisationnelles, suivi d'un plan d'action pour la durée du projet.

Pour l'instant, l'équipe du projet se résume au Team Leader, John, et moi. Le spécialiste du Système d'Information Géographique, qui était là aux premiers jours est parti sur une autre île des Caraïbes, travailler pour un autre projet pendant un mois. L'expert britannique qui sera chargé du Système de Management Financier doit arriver vers la fin octobre.
D'ici quelques jours, le projet devrait s'installer dans des bureaux plus spacieux, recruter du personnel local, prendre enfin son envol...

Une des difficultés les plus éprouvantes ici, pour moi, c'est la prononciation locale de l'anglais : accents toniques placés différemment, prononciation différente de certaines voyelles... parfois, il me semble que je deviens sourd. Quelqu'un me parle, je comprends vaguement le sens général, mais impossible de répondre car il me manque le sens d'un mot clé... je me retrouve parfois dans des situations drôles, où l'on me pose une question et je ne sais même pas sur quoi porte la question !

La vie en dehors du bureau est assez monotone. Petites courses alimentaires, télévision, lecture, inaction... Aller au bar seul n'étant pas tellement mon truc, je ne sors pas... heureusement, il y a un club de muscu qui tient la route. J'ai pris un abonnement, et suis allé faire ma première séance d'entraînement. Ce qui est amusant, dans ces clubs, c'est qu'on finit par y retrouver à peu près le même genre d'individus. Cela va de l'adhérent qui veut être en forme, au Musclor avantagé par son héritage génétique... Chacun soulève ce qu'il peut de fonte, mais tous se regardent dans le miroir... bien-sûr, on se regarde dans le miroir pour vérifier que le dos est bien droit, le mouvement correct... mais qui peut dire qu'il ne regarde pas avec satisfaction ses muscles gonfler sous l'effort !
Qui peut certifier qu'il n'y a pas avant tout une satisfaction de l'ego, à voir se transformer peu à peu son corps, à voir saillir le muscle sous la peau, à voir se dessiner une nouvelle silhouette !
L'autre soir, un de ces athlètes exagérés soulevait des poids absolument délirants, des centaines de kilos, mais surtout en s'entourant d'un luxe de de précautions étonnantes : pour le développé couché, (je n'ai pas observé précisément, mais plus de 100 kg sans aucun doute), il emballait ses bras dans des sacs plastique, sous sa combinaison d'haltérophile.

Une chose continue de me plaire ici : la courtoisie, la gentillesse des gens. Des gens souriants, des gens qui vous donnent gracieusement un coup de main quand vous en avez besoin... C'est assez inhabituel, pour qui vient d'un monde stressé, où chacun vaque jalousement à ses propres occupations sans trop prêter attention aux autres... Même l'haltérophile sur-protéiné est venu me soutenir dans mes exercices, assurant la barre lorsqu'il pensait que je risquais de ne pas soulever mes 30 misérables petits kilogrammes et m'encourageant d'un "c'est bien, bon boulot..."

Je reviendrai sur les drapeaux hindous dès que j'aurai de l'information : je mène mon enquête !

lundi 5 octobre 2009

Guyana, semaine 1


Cette semaine a été une longue liste de première fois, ce qui est rassurant, quand on se dit que vieillir, c'est voir diminuer le nombre de premières fois potentielles...

Première fois sur le continent américain, premier vol transatlantique, première fois dans les caraïbes...

Éliminons d'abord les aspects négatifs, les impressions décevantes, avant de parler de Georgetown...

Déception, à l'aéroport de New York : tout est fermé, pour trouver un café ouvert, il faut marcher sous la pluie, explorer et finalement mettre la main sur une petite boutique de sushis dans un coin... l'impression de se retrouver dans un ensemble d'aéroports de province plutôt que dans un aéroport d'une (de LA) métropole ne m'a pas quitté.

Déception que mes bagages, ré-enregistrés à NY ne soient pas dans l'avion à Georgetown : l'image de l'efficacité américaine en a pris un coup, une fois de plus. Décidément, les amerluches ne sont pas à la hauteur de leur réputation de sur-hommes !

Déception que lorsque mes bagages sont arrivés, l'un était très endommagé, l'autre complètement trempé, les livres qui étaient dedans, devenus des éponges, les chaussures déformées, les vêtements totalement détrempés qu'il faut laver...

Venons en maintenant à mes premières impressions du Guyana.

L'air, tout d'abord, chaud, humide, lourd à respirer, pose sur la peu une couche de moiteur qui ne se défait jamais vraiment. L'eau, omniprésente, sous forme de rivières, de mares, de marais boueux, d'océan -sur la côte, s'entend- la terre, sous sa forme boueuse, qui donne aux rivières et à l'océan cette couleur maronnasse qui semble normale ici (quand on dit aux gens que même l'océan est boueux, et que c'est décevant, ils semblent ne pas voir de quoi on parle, comme si pour eux, la couleur de l'océan, c'est marron !). Le feu, quatrième élément, se manifeste surtout dans le disque solaire : dès lors que les nuages ne le masquent pas, le soleil écrase tout sur son passage, accroissant l'humidité de la peau...

Georgetown, c'est une grande ville sans grands immeubles, donc étendue pour pouvoir abriter environ 70 000 personnes. Comme la bande côtière où elle est située, la ville est globalement en dessous du niveau de la mer. D'où la nécessité d'un mur de protection. Les maisons sont construites sur pilotis, pour pouvoir, à l'origine abriter le bétail et autres activités agricoles, au temps de la première colonisation.
A mon arrivée, voyant des multitudes de drapeaux devant certaines maisons, j'en avais conclu qu'elles abritaient des pêcheurs, qui stockaient dans leurs jardins, comme les pêcheurs de Camargue, les bouées surmontées de drapeaux servant à délimiter leur zone de pêche. Il m'a fallu sortir de la ville, m'éloigner de l'océan, et voir encore ces drapeaux, ornés de franges dorées et de motifs graphiques, pour comprendre qu'ils sont en réalité les témoins de rites hindous !

En effet, la population guyanaise est une joyeux mélange d'origines : africains, indiens, amérindiens, portugais... et métis de toutes ces origines... tous vivants dans une apparente bonne entente.
Même si la réalité est sans doute plus complexe, comme me le dit mon team leader, les gens sont plutôt cools : hier, alors que je tentais de m'engager dans une rue en sens interdit, pas de klaxon, pas de gestes injueirux, pas de cris, un simple appel de phare pour me dire que je me fourvoie... Et la circulation continue...

Deux mots du boulot, pour finir la livraison de cette semaine : dans un monde idéal, il n'y aurait sans doute pas de consultants. Dans un monde idéal pour les consultants, ceux-ci recevraient des cahiers des charges exempts de toute arrière pensée, ils conduiraient des projets qui se dérouleraient sans problème, les rapports s'écriraient tout seuls, les bénéficiaires seraient contents dès la première version... Mais nous ne vivons pas dans ce monde, et le Guyana ne fait pas exception !

jeudi 30 juillet 2009

Vacances


Un mois et demi dans le monde développé... On se ré-habitue assez vite, finalement, à consommer, à profiter des conforts et des luxes... Mais je ne perds pas de vue qu'existe là-bas l'autre monde, au delà des frontières, que là-bas, la vie continue aussi...

Quand j'entends les conversations plus ou moins affolées, les recommandations et les confidences sur les précautions prises pour se protéger de la grippe H1N1, je souris intérieurement en pensant au paludisme. Combien n'ont jamais entendu parler de cyclosporine ? Combien meurent chaque année, piqués par un vilain moustique...

Sur un mode plus léger, je me fais une cure de pêches, j'attends les poires, aussi : deux délices qui manquent tellement quand on est loin ! Je ne connais pas de fruit plus délicieux qu'une pêche blanche mangée penché sur l'évier, à la sauvage !

Une panne de voiture m'a rappelé à quel point les services sont de bonne qualité ici : un coup de fil (le réseau marche du premier coup) et la dépanneuse arrive, suivie du taxi, qui me ramène chez moi en déchirant la nuit d'été...

Ce qui est vraiment le plus grand plaisir, en rentrant, c'est de retrouver tout ceux qui sont restés . On leur parle de loin, par Skype, on échange des mails, des sms, mais quand on les voit, c'est autre chose ! ils redeviennent réels, matériels, présents... : ils ont changé, grandi, pris ou perdu du poids... Mais que c'est bon de les retrouver !

lundi 29 juin 2009

Le meilleur des mondes


L'autre soir, au restaurant avec des amis et ma fille, grande discussion sur l'état de la jeunesse en Europe. Elsa parle du sentiment de n'être que des spectateurs, de n'être conviés qu'à regarder le monde et la vie des "adultes"... Elle parle du désespoir de la jeunesse occidentale, qui préfère encore la fuite à la lutte. Elle raconte le sentiment qu'il n'y a pas de place pour eux, que quoiqu'il arrive, il faut choisir entre ce qui favorise l'épanouissement et ce qui permet de vivre.
Je comprends bien ce désespoir, mais une sourde colère me hante, quand je pense au reste du monde...

Car il y a le monde centre, la zone protégée, où vivent les plus privilégiés, même s'ils ne s'en rendent pas compte. Un monde de technologies, de services, un monde riche, un monde où tout marche de façon satisfaisante... Un monde où est offert ce qui manque à tous: tranquillité, sécurité.
Dans le monde centre, il y a des clients, des citoyens, il y a des travailleurs, des cadres, un système rigide et efficace, tout le monde est blanc, même les noirs de peau, il y a pour chacun une case, une bonne raison...
Bien-sûr, ce monde au centre n'est pas parfait : il y a des inégalités, de bonnes raisons de se révolter, il y a de la misère, de la crise, du désespoir...

Et il y a, là-bas, la zone interdite, qui n'est pas interdite formellement, mais où personne ne va... Le reste du monde, où l'on vit en regardant de loin les lumières du monde centre, une zone où l'on a parqué des travailleurs utiles et des inutiles, de retoqués de la modernité, des vestiges de l'humain...
Là-bas, la technologie est exceptionnelle, et quand elle marche, on s'en réjouit. Là-bas, ils se foutent bien de savoir comment l'on vit dans le monde centre, mais ils voudraient tellement y aller. Là-bas, ils ont des coutumes étranges et barbares, qui choquent les êtres civilisés et raffinés du monde centre.

Là-bas, on a sélectionné des individus pour les laisser entrer dans le monde centre : soit qu'ils aient montré leur soumission aux canons, soit qu'ils puissent être exploités pour travailler dans le monde centre. Là-bas, ils font la queue pour obtenir un laisser-passer, sauf conduit vers la lumière, vers une illusion.

Là-bas, ils sont noirs, bruns, foncés, fatigués, malades, miséreux... Là-bas, ils se battent entre eux et ont parfois le mauvais goût de nous rappeler qu'ils veulent une part du festin, qu'ils veulent une vie digne. Là-bas, quand ils se révoltent, ce sont des terroristes.

Là-bas, on jette les miettes de nos agapes, pour entretenir l'écran de fumée d'un illusoire développement.

La-bas, vous n'irez pas, car il n'y a pas de confort, pas d'amusement, pas de culture à visiter, là-bas, c'est encore plus loin que la réserve qu'on vous laisse voir, du haut de vos miradors blancs.

Là-bas, ils ne pratiquent pas le désespoir, car cela supposerait qu'ils aient connu l'espoir... Ils ne connaissent que la survie.

Pour se rassurer, se donner bonne conscience, il faut se souvenir qu'on ne peut rien faire. Le système est ainsi fait qu'il a besoin du monde centre pour consommer, pour développer les nouveaux concepts, pour faire travailler le reste du monde, pour déverser ses cochonneries en tous genres... L'inégalité, l'injustice sont consubstantielles du monde tel qu'il est.
L'appropriation du monde par une génération aux dépens d'une autre procède du même mode de pensée : l'humain est une variable d'ajustement, l'environnement une externalité dont la gestion appartiendra à ceux qui viennent après, il nous faut accumuler, encore et toujours.

Ce post, commencé comme une allusion à Huxley, laissez moi le terminer en détournant Ferré :
"Avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions, n'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres".

lundi 1 juin 2009

La dialectique du manque et du trop plein, ou la vocation de la nostalgie

Il y a chez certains voyageurs une mélancolie qui n'appartient qu'à eux, un regard absent, un vide jamais comblé, un tourment sourd et invisible, comme une malaria endormie qui se réveille parfois en violente crise...
Ils sont bien là, assis face à vous, mais dans leur cœur, un ailleurs les appelle silencieusement, comme une promesse jamais tenue de félicité éternelle.
Et sitôt partis, ils pensent aux moments passés ensemble et regrettent de ne plus être assis face à vous.

Jamais en paix, jamais satisfaits, il leur faut toujours partir vers l'horizon, vers cet ailleurs qui brille au loin... Là-bas, là où se couche le soleil, c'est là qu'ils voudraient être, mais ils ne trouvent la paix que dans le mouvement, que dans un futur brillant, jamais accompli.

Un pied dans le passé, l'autre lancé vers le futur, ils vivent sans vivre, entourés de points d'interrogations, d'incertitudes. Ils sont comme le vent, lancés contre les montagnes, levant le sable furieusement, apaisant la brûlure du soleil, ils sont à peine arrivés qu'ils sont déjà repartis.

Ils ont dans la tête les légendes des grands voyageurs qui les ont précédés, la légende des ports et des routes, et veulent à toute force en toucher la poussière, graver au fond de leurs yeux l'image de la légende, en écrire leur page. Ils savent bien que leurs traces s'effacent déjà, que rien ne subsistera de leurs rêves. Mais vit-on pour chevaucher les légendes, ou pour labourer le réel ? Ils ont fait leur choix...

Ils ont à jamais la nostalgie d'un futur impossible, ils portent cachée au cœur la blessure de cet ailleurs qui n'existe que dans leurs chimères et le manque de ceux qu'ils aiment, éparpillés à la surface du globe.

dimanche 24 mai 2009

Quelques mots sur Kaduna

Il est sans doute temps de dire quelques mots sur Kaduna, la ville et ses particularités.

Kaduna est la ville centre du nord, c'est là que les gens du nord se retrouvent, lorsqu'ils ont à discuter. C'est là qu'ils viennent s'approvisionner.
C'est aussi une ville "frontière" : elle compte à la fois des chrétiens et des musulmans, alors que le nord est majoritairement musulman, et que le sud est le territoire des chrétiens. Lorsqu'il y a eu des affrontements inter religieux, voici quelques années, les chrétiens ont marqué un coup d'arrêt aux massacres habituels, et résisté, pour la première fois.
Les églises prolifèrent, pour la plupart issues de scissions protestantes. "Eglise de l'Ambassade du Christ", "Eglise Charismatique", "Eglises de ceux qui n'ont pas honte du Christ", sont quelques noms qui ornent les bords des routes, sur de grands panneaux publicitaires...
Du côté musulman, il y a des chiites et des sunnites... chacun dans leurs zones respectives, et en général, il n'y a pas de tension particulière...

Côté économique, Kaduna, fut une cité industrielle, puisque Peugeot avait ici une usine qui fabriquait des 504. L'usine a été vendue à l'Etat nigérian, qui n'a pas maintenu sa compétitivité et n'a donc pas su résister aux véhicules japonais, puis coréens... Peugeot est toujours là, avec quelques cadres, mais l'époque de l'école Peugeot, du quartier Peugeot, du Club Peugeot est révolue.
Actuellement, l'usine Peugeot passe à la production de 307. Une équipe de français est sur le site, pour guider le changement de production.

C'est une occasion pour parler des français à l'étranger : prompts à critiquer, à ironiser, ils fonctionnent en petit groupes fermés dans lesquels on n'entre pas si l'on n'est pas conforme...

lundi 4 mai 2009

"Tu as pu te connecter?"

La question rituelle du chef de mission, chaque matin, "tu as internet, toi?" dit bien à quel point la ficelle qui nous relie au reste du monde est devenue essentielle tant au travail qu'à la vie des nomades que nous sommes...
Parfois, le soir, à quelques minutes d'éteindre l'ordinateur, je suis interpellé par un ami, un collègue, en mission quelque part sur la planète... "Tu es où ?", "Tu fais quoi ?", "Jusqu'à quand es-tu là-bas ?"... Questions banales de collègues qui font le même métier, connaissent la même incertitude sur le futur, savent que tout dont ils ont besoin tient dans une valise et un sac d'ordinateur...
Aussi, ce matin après le petit-déjeuner, lorsque la directrice adjointe de l'hôtel m'a annoncé qu'il n'y aurait pas d'Internet aujourd'hui, je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire que lorsqu'elle me réclamera la note mensuelle, il se pourrait bien que mon règlement soit en panne, comme la connexion...

Ce week-end, pas de voiture (le chauffeur était parti voir sa mère malade, dans le nord), une connexion intermittente, pas la moindre compagnie... heureusement, il restait la télé, les livres, la salle de sport... Pas difficile de devenir asocial, dans de telles conditions !

Travailler dans un projet financé par la Banque Mondiale, je croyais naïvement que ce serait vraiment cool, que j'allais apprendre de nouvelles procédures... Et je n'ai pas été déçu : de nouvelles procédures, j'en ai découvert !
Ainsi, pour pouvoir organiser trois malheureux ateliers de travail avec les directeurs de services des ministères, il a fallu monter un dossier, qui a été soumis le 8 avril au bénéficiaire du projet (le gouvernement de l'Etat de Kaduna), en la personne du directeur de l'administration de l'Etat. Le coordinateur du projet a envoyé une demande de fonds, pour payer la location des salles et les repas des participants (on peut estimer généreusement le montant d'une telle opération à au moins 2000 euro). Et depuis, on attend... "Vous savez, les procédures de la Banque..." nous répond-on régulièrement avec un regard entendu...

Pour éviter de rester inactifs, nous avons commencé d'autres opérations (les "livrables", dans le jargon, qui n'est qu'une pauvre traduction de l'anglais "delivrables")... Et si les fonds n'arrivent pas, je contournerai l'obstacle !

Quand on pense que la plupart des projets sur lesquels j'interviens, consiste à améliorer la productivité de l'administration locale... C'est la Banque Mondiale, qu'il faudrait d'abord réformer !

vendredi 24 avril 2009

Une averse sur Kaduna




Ces images, juste pour donner une idée de la saison des pluies, sur Kaduna...

mercredi 22 avril 2009

Une visite impromptue à la Sécurité

Le Nigeria a mauvaise réputation, paraît-il. Mais on dit aussi que Kaduna est une ville tranquille. Et voilà qu'avant hier, puis ce matin, la réputation du Nigeria s'est confirmée, et celle de Kaduna en a pris un coup !

Il y a quelques semaines, un groupe de canadiens membres du Rotary traînaient à l'hôtel, visibles de loin avec leurs polos jaunes et l'air de sortir du magasin d'articles pour explorateurs tropicaux... Ils étaient apparemment venus pour distribuer des médicaments...

Et puis, va savoir ce qui est vrai et ce qui relève des rumeurs et autres fantasmes, une des membres du groupe aurait suivi un homme chez lui, et serait depuis retenue en otage. On parle d'une demande de rançon, mais par ailleurs on nous dit que le, ou les, ravisseurs n'ont pas pris contact avec les autorités...

La première alerte vient du réseau du consulat, qui joue bien son rôle et avertit les français de prendre des précautions : pas de sortie nocturne seul, pas de visite chez des gens qu'on ne connaît pas...

Deuxième alerte, ce matin, lorsque le coordinateur du projet vient nous chercher a l'hôtel pour nous conduire à la Sécurité. On voit que lui même n'est pas rassuré. Il y aurait aussi une histoire de photos prises dans la rue à Abuja...
Nous voilà donc, le chef de mission et moi, habillés en experts Banque Mondiale, à la Sécurité. On commence par nous faire attendre un petit quart d'heure, avant qu'un fonctionnaire tout sourire vienne nous chercher et nous accompagne dans son bureau, où sont serrés des fauteuils de jardin en plastique.
Il nous fait remplir des formulaires où l'on doit indiquer, outre la raison de sa visite dans le pays, le nom de son père et de sa mère, sa tribu d'origine, (pas facile quand on est tout mélangé), et autres informations destinées à nous sauver la vie si nous étions enlevés nous aussi... Il nous explique, toujours souriant, qu'ils ne veulent plus laisser d'étrangers errer dans l'Etat sans être identifiés, que cette affaire n'est pas bonne du tout pour la réputation du pays....
Il nous conduit ensuite dans le bureau de son Directeur. Celui-ci, prend un air grave, plonge son visage dans ses mains en s'asseyant dans son fauteuil directorial. Il nous remercie d'être venus et nous explique la raison de notre présence ici.
"Tout d'abord, nous dit-il, il y a les mesures à prendre pour assurer notre sécurité, à cause de cette affaire d'enlèvement crapuleux. Mais aussi, vous avez été vus prenant des photos à Abuja...
- Oui, des photos de la cathédrale et de la mosquée, dit le Chef de Mission
- Et cela a obligé nos gens à Abuja à chercher qui vous êtes, ce que vous faites au Nigeria... Ayant trouvé que vous êtes ici dans le cadre d'un projet d'assistance au gouvernement de l'Etat, nous avons compris que vous ne menez pas d'activités anti-nigérianes. Aussi, tout va bien, je vais vous laisser faire votre travail sans autre remarque. Je vous remercie de votre coopération."
En me levant, je remarque sur son bureau, un livre de dévotions, qui ne manque pas de surprendre le laïcard que je suis !

Le coordinateur du projet, Joshua, nous raccompagne à notre hôtel, avec la promesse de s'occuper au plus vite de la prolongation de nos visas.

Depuis cette visite, chaque fois que je monte dans le pick-up du projet, je verrouille ma portière..

mardi 14 avril 2009

le blanc, là

Le pire danger qui guette l'expert international, principalement en Afrique, c'est l'ethnocentrisme. Teinté d'une condescendance de bon aloi, il masque mal le racisme dont il est une expression autorisée, propre, basée sur l'expérience. Après 25 ans d'Afrique, on s'autorise à dire tout le mal qu'on pense de cette culture, dont le sous développement est l'essence.
C'est ainsi qu'on entend ce genre de florilège :
"Le sous développement, ce n'est pas le manque d'argent, c'est le manque d'intelligence. C'est parce que la moitié d'entre eux sont nés avec la moitié d'un cerveau qu'ils ne pourront jamais se développer"
"Ils n'ont pas la culture de l'excellence, ici, pour eux, tout est bien assez bon... Ils ne feront jamais, comme les japonais, le pas qui permet de se dépasser"
"Exactement comme le socialisme, l'islam est un système sous développant : on y pourchasse toute innovation"
"Ils sont tellement stupides que chaque fois qu'on leur pose une question, on dirait qu'ils tombent de leur cocotier"
"Combien de Prix Nobel ont ils reçu : zéro, c'est bien la preuve de leur incapacité à inventer. Ils ne sont bons qu'à répéter"

Comme si le développement ne pouvait avoir qu'une forme, comme s'il n'y avait qu'un seul bon mode de vie, le mode de vie occidental. Comme si l'Europe était un paradis où chacun se bat pour faire toujours mieux, pour servir son pays, son patron, sa boîte... Cette vision étriquée d'un monde noir et blanc, où le blanc est bon par essence, puisqu'il a inventé le moteur à explosion et le noir, par essence, nul, puisqu'il n'a inventé aucune technologie.

Comme si les différences de conditions générales géographiques, historiques, culturelles n'avaient pas de signification, pas de valeur...

Attention, qu'on ne se méprenne pas. je ne suis pas en train de verser dans l'angélisme tiers-mondiste. Il y a beaucoup à critiquer dans les systèmes politiques et économiques en Afrique. Je ne suis pas, et de loin, un spécialiste, d'ailleurs. Ce que je veux dire, c'est à quel point de genre de discours simpliste de la part de quelqu'un qui connaît par ailleurs bien le continent, est insupportable. Cette condescendance, qui fait que bien que s'installant sur le contient pour sa retraite, on critique les êtres sans distinguer ceux qui avancent et font avancer leur cause, leur pays, leur continent ou même simplement leur famille, de ceux qui ne font rien bouger. Comme s'il n'y avait que des Prix Nobel en Europe, que des génies à la peau blanche, comme si le reste du monde ne portait pas son contingent de nonchalants, de feignants, de menteurs, de niais, d'idiots...

dimanche 5 avril 2009

Trafic auto à Kaduna




Ponctuation


Après une parenthèse sans écrire, le clavier me démange à nouveau. Ce n'est pas qu'il se passe beaucoup de choses à Kaduna, ou dans le projet...
La pluie est arrivée depuis hier dans la nuit : le ciel se couvre progressivement dans la journée, puis, soit dans la nuit, soit en fin d'après-midi, les nuages se vident violemment sur la ville. Le fracas des trombes sur les tôles des toits assourdit tout et m'empêche de dormir.

Le rapport de démarrage du projet a été remis, j'ai embrayé la seconde, pour attaquer la revue fonctionnelle de dix ministères. Je dois constituer des groupes de travail, les former et les accompagner, avec l'aide d'une experte locale. Comme souvent, l'esprit travaille en tâche de fond, et on croit qu'on ne trouvera pas la solution du problème, jusqu'au jour où, vers 10 heures, le soir, enfin, la lumière se fait ! Oui, bien sûr, il faut faire une analyse des procédures, une analyse forces et faiblesses et rechercher les flux d'informations entre les unités de chaque ministère !
Chaque ministère est à peu près structuré de la même façon, avec son département finance, son département administration et ses départements techniques, qui lui sont spécifiques. Chaque ministère est complété par des agences de mise en œuvre, selon la mode anglo-saxonne. Mon analyse va porter principalement sur les procédures de gestion des ressources humaines, au sein des ministères et éventuellement entre les ministères et les agences.

Depuis quelques jours, l'Internet est des plus capricieux : on peut rester sans connexion pendant un ou deux jours, et jusqu'à ce jour, aucune solution alternative n'a fonctionné. On se sent vite isolé, voire déprimé, sans ce lien invisible et pourtant vital avec le reste du monde. Ces absences sont une ponctuation, comme une parenthèse dans la trame des jours : pas d'internet, pas de messages, pas de skype, nous voilà comme sourds et muets...
Reste le téléphone, les sms, pour ne pas rester seul...

Le patron de l'Alliance Française s'est mis en tête de me trouver un guide pour m'accompagner dans les soirées de Kaduna... Il semble avoir un carnet d'adresses inépuisable. C'est ainsi qu'il m'a fait rencontrer une muette extraordinairement ennuyeuse, que j'ai raccompagnée à la grande rue après un coca, histoire de savoir qu'elle était bien partie. Il finira par se lasser, je suppose...

lundi 23 mars 2009

Chronique gastronomique, bulletin routier et souvenirs pas si lointains

Au supermarché Dalema, les yaourts ne sont pas conservés au frais, mais ils sont bons quand même. On y vend aussi des cakes, pas mauvais du tout. Je n'ai pas essayé la crème à éclaircir la peau en revanche, je suis bien assez blanc comme ça !

Au Food Palace, il y a une serveuse appelée Esther, qui nous sert bien, et avec le sourire. Assez exceptionnel pour qu'on le mentionne. Je goûte de nouvelles recettes à chaque visite : la dernière fois, une pâte de riz, accompagnée d'une sauce à base de feuilles dont j'ignore le nom (en Haoussa, ça s'appelle Houka), d'épices pas trop fortes, et d'un quart de poulet. Très bon. Parfois, aussi, ils ont du plantain très bien réussi, moelleux et frit à la fois...

Au restaurant chinois, on m'a servi un plat avec un cafard. Comme il n'était pas indiqué au menu, j'ai refusé. Ca a été un scandale. Mais j'ai fini par avoir une assiette sans insecte !

Au restaurant de l'hôtel, il faut attendre une heure pour avoir une salade, et encore, quand elle arrive, ce n'est même pas ce qui avait été commandé !

Dans la rue, on peut acheter de petites mangues, celles qui poussent sur les arbres des rues, je suppose, pour pas cher. Elles sont hyper goûteuses.

Un aller retour Kaduna - Abuja, c'est un truc à vivre une fois au moins ! Trois cent bornes, bonne route (pour les standards africains en tous cas) et une sensation d'être dans un petit Mad Max tropical. La voie la plus prisée, c'est celle de gauche ; camions, minibus, pick-ups, voitures, tout le monde veut y être. Donc, on dépasse par la droite, on klaxonne, on slalome entre les poids lourds... Vitesse la plus fréquente : 150 km/h. Le seul moyen d'éviter que des piétons ne viennent se mettre sous vos roues, le seul moyen, dès la nuit tombe, de ne pas être arrêté par de toujours possible bandes de coupeurs de route... Abdul, le chauffeur, fonce, une main sur le volant, aussi désinvolte que lorsqu'il conduit en ville à 20 à l'heure...

L'aéroport d'Abuja est assez surprenant : Abuja, capitale d'un pays peuplé d'environ 150 millions d'habitants (le pays le plus peuplé d'Afrique), n'a qu'un petit aéroport de deuxième zone, complété d'un terminal pour les vols domestiques, genre hangar métallique... Et pour ajouter encore à ce dénuement, il n'y a pas tellement de vols vers l'étranger, partant d'Abuja. Il faut aller transiter à Lagos, pour quitter le pays !

Vendredi dernier, j'ai fait un aller - retour Kaduna - Abuja, et j'ai rencontré là-bas un collègue de Bagdad ! Temple, responsable du suivi évaluation du projet, était en vacances en famille pour une courte semaine, et il n'a pas manqué de m'appeler ! On s'est retrouvé à l'aéroport, et il m'a emmené chez lui... Après une halte sur une bretelle d'autoroute, due à une panne d'essence, nous avons partagé un rapide repas, puis il m'a raccompagné à l'aéroport, et c'était fini... mais c'était vraiment cool d'évoquer les collègues, la vie du compound, la marche du projet...

Bagdad, toujours Bagdad, comme si je n'en finissais pas de revenir de, et à Bagdad...

lundi 16 mars 2009

Activités diverses et petites réflexions géographiques


Activité 1 : visite d'un centre de formation

Vendredi, je suis allé visiter le centre régional de formation des fonctionnaires, dans la banlieue de Kaduna. Il faut imaginer un carré de la taille de deux ou trois terrains de foot, sur lequel sont parsemés des bâtiments de tailles diverses. L'un abrite les services administratifs, l'autre des salles de classe d'autres sont des dortoirs et d'autres enfin sont des cabanes tenues par des commerçants.

La plus grande salle de classe peut sans problème contenir 250 personnes, elle est équipée d'une scène où sont entreposés de poussiéreux canapés. Le sol en ciment est tellement usé, qu'à certains endroits, on croit marcher dans le sable. Les tables des étudiants sont défoncées, et on se demande comment on peut encore écrire sur de telles tables... je n'ose imaginer comment réagiraient des étudiants européens qui viendraient suivre un cours ici... Pas de système d'amplification, pas de climatisation, non plus... Dans la salle, absorbée par le cours, la future génération de cadres de l'Etat de Kaduna transpire et regarde les consultants venus interrompre leur travail. Une majorité d'étudiantes, la plupart assez jeunes, on entre et on sort de la salle librement, tant qu'on ne dérange pas le cours.

La salle informatique, équipée de vieux PC fatigués, au sol usé aussi, est plus fraîche que les autres : il y a des ventilateurs qui marchent. Un ordinateur pour deux, pas de vidéo-projecteur...

Dans le dernier quart du terrain, les cabanes des commerçants : le classique photocopieur relieur, bien sûr, plus surprenant, les gargotes à ciel ouvert, et aux alentours, des chèvres, quelques moutons, qui attendent leur heure, sans doute...

Activité 2 : repas africain

Nous avons fini par nous décider à aller dans ce restaurant africain, le food palace, qui nous tend les bras sur le chemin, chaque jour... J'aime beaucoup la pub de cet établissement : "not just another restaurant" (pas juste un restaurant de plus).

La télé braille, les tables sont grandes et ouvertes à qui le veut, on commande soit ce qui est sur la carte (plus que succincte) soit, ce qu'on veut, en demandant au préalable si c'est disponible en cuisine. C'est ainsi qu'à la deuxième visite, j'ai fini par manger du poulet grillé, sans piment ! Quel repos délicieux pour mes boyaux torturés, ma bouche rendue insensible par les attaques pimentesques précédentes...
La veille, en effet, nous étions allé manger au "Club de l'Aviation Nigériane", le must des soirs de week-end. tout ce qui bouge à Kaduna se retrouve là-bas : expats, nigérians aisés et fêtards, jolies filles (de la liane la plus longue et déliée au petit bâton de dynamite à vous faire exploser le sensoriel... elles sont toutes là !)
Et là, à part une bière bien fraîche, je n'avais rien pu avaler, ou presque ! Le poulet frites était servi accompagné d'un ragoût de piment qui ont transformé le repas en une expédition dans un volcan en éruption ! Un désastre !
Un orchestre emplissait l'espace sonore de musique locale, et pour rendre le désastre complet, j'étais assis dos à la scène, sur laquelle deux superbes dansaient comme elles seules savent le faire... j'ai survécu au piment et au torticolis !

Réflexion géographique

Un matin de la semaine passée, il m'est venu à l'esprit qu'on a peut-être tort de vouloir représenter la vie comme un cheminement, comme une voie, comme une ligne... Même sans éliminer le facteur temporel, (qui le pourrait, d'ailleurs ?), on peut envisager sa vie comme une série d'univers clos, de continents plus ou moins séparés. On naviguerait entre ces continents, on passerait des frontières pour se déplacer du continent du rêve à celui du travail, on volerait du continent du plaisir à celui plus abstrait, de la réflexion sans but matériel, la pensée vagabonderait entre eux, même si le corps était coincé dans l'un d'eux pour une période donnée... Ainsi, plutôt qu'une discontinuité, nous vivrions un espace qui toujours s'enrichirait de nouvelles sphères.

mercredi 4 mars 2009

Des jours et des nuits à Kaduna

Ce serait presque une vie de compound, si ce mot ne portait pas le poids des armes et des murs de béton. Une vie réglée par le travail et accessoirement par les appétits du chef de mission. Une vie qui suinterait presque l'ennui, si l'on n'avait pas autant de travail, et surtout, si le travail était clairement délimité.

Le bureau que nous a fourni le Head of Office, (disons l'équivalent local de la Direction Générale de l'Administration de la Fonction Publique, pour l'Etat de Kaduna, 6 millions d'habitants), le bureau, donc, est si minable et poussiéreux, que nous n'y allons que rarement. Souvent, l'électricité est défaillante, et nous devons nous replier vers l'hôtel. L'hôtel où nous travaillons, dormons, mangeons, le plus souvent, l'hôtel, où nous faisons du sport, où nous traînons...

L'hôtel Pyramid, agrémenté d'une piscine, de terrasses et de bar, pourrait être un endroit agréable. Mais il y traîne une vieille odeur d'ennui provincial, de grenier oublié, de désœuvrement...
Sur la terrasse couverte beuglent trois écrans plats dernier modèle (enfin, si je me réfère à mon dernier passage chez un marchand en Europe). Les week-ends, outre les matchs de foot, un sound system vient assourdir les passagers de l'hôtel et ceux qui profitent de l'escale pour faire une visite à sa piscine.

La piscine semble le lieu de toute vie sociale : on y vient en groupe, en famille, et les enfants ont leur bassin. Autour de la piscine, d'abord, les hommes hésitent, regardent les poissons qui s'ébattent déjà dans de grands rires. Puis ils se jettent dans le bain.
Rares sont ceux qui maîtrisent à la fois la technique du crawl et de la brasse ; nager sur le dos donne un mouvement saccadé...

Le bord de la piscine, c'est aussi le lieu des groupes de jeunes gens, qui rient, boivent un verre, ouvrent un ordinateur portable, soit pour profiter de l'internet wireless, soit pour essayer d'écouter leur propre musique.
Le bord de la piscine, c'est le lieu du possible : "Est-ce qu'elle me voit, est-ce qu'elle va plonger, est-ce qu'elle va sortir...?" Les ondes de la séduction en maillot de bain semblent converger là chaque dimanche après midi... fantasmes remachés comme de vieilles madeleines trop sèches, regrets idiots, dos entrevu de celle qu'on attendra jusqu'à dimanche prochain.

Les nuits sans sommeil, sonorisées par les générateurs électriques, longues plaintes muettes, l'esprit envahi de pensées noires sur un avenir sombre... (Et si je n'avais pas assez de cachets pour dormir pour tenir jusqu'à la fin de la mission, Et si je ne signe pas le projet de Tataouine encore plus loin et encore plus long, Et si j'ai une offre pour aller à Gaza pendant ce projet, Et si je ne retournais pas à Bamako...)

Les week-ends s'annoncent par la visite de Folaké, copine du chef de mission, qui vient d'Abuja. Elle apporte comme un paquet de vie, dans cette ambiance morose. Le chef est content, il accroche à la poignée de sa porte le petit panneau "Do not disturb"...
Ils se finissent par un retour à la réalité : "On va se faire une réunion ce soir, vers 8H30, pour lister tout ce qu'on a à faire cette semaine.

Ce serait une vie de compound, si l'hôtel n'était pas ouvert sur l'extérieur, si l'on ne pouvait pas sortir librement, s'il n'y avait pas de visite possible...
Et déjà, la simple possibilité de sortir est une promesse qu'un soir, nous irons à ce NAF club, le lieu où il faut aller se sentir vivre, le samedi soir !

lundi 2 mars 2009

Pourquoi aime-t-on l'Afrique ?

Bien-sûr, il y a des milliers de raisons de vouer à ce continent une passion que ceux qui la partagent décrivent comme dévorante...
Alors, commençons par le commencement. Moi je...

L'autre jour, je sortais de la piscine de l'hôtel, un gaillard me dit qu'il aime mon tatouage... Lorsque je lui fis remarquer que le seul continent qu'on voit sur la carte qu'il représente est l'Afrique, il m'a demandé si je viens d'Afrique du Sud.
"- Non, pas du tout, je suis français
- Alors c'est parce que tu aimes l'Afrique ?
- Oui, c'est la seule raison"

Bien sûr, je ne connais quasiment rien de l'Afrique : un tel continent, immense, divers et peuplé de rêves... Jusque là, je me suis cantonné à l'Afrique de l'ouest et du nord. Et pourtant, à chaque fois, c'est la même magie.

Ce n'est pas pour voir des monuments, qu'on vient ici. Au mieux pour la nature, qui est abondante, parfois excessivement abondante, abondante jusqu'à l'ennui.
Moi je...

Moi, je suis venu pour travailler. Il n'empêche que ce que j'aime ici par dessus tout, c'est les gens : nonchalants, souvent souriants, parfois goguenards, parfois moqueurs... Pas pleurnichards, pas conquis, même si colonisés et exploités...

Il m'arrive souvent de dire que la vraie vie est ici : chaleur, facilité à nouer des contacts (en général), couleurs chatoyantes, sensations fortes...

On me faisait remarquer que des photos de Kaduna ou de Bamako mélangées seraient probablement impossibles à différencier par un spectateur non averti : c'est indéniable, le paysage est globalement identique, il faut être sur place, pour percevoir les différences ténues. Parce que c'est d'abord et avant tout l'Afrique, qui se donne à voir dans la rue. D'un pays à l'autre, la richesse des tenues change, les marchandises changent, mais la façon d'être reste globalement la même.