vendredi 25 décembre 2009

Comme une Palestine intérieure

Après quelques mois, rentrer au bercail devient comme un rêve, une nécessité qui se déguise en impérieuse pulsion... Chacun connaît ses signaux. Pour moi, dès que je commence à jurer en français dans la rue, contre la circulation, il est temps de rentrer, temps d'aller en France recharger les batteries.

Mais la France est elle encore telle que je l'ai laissée ? Malheureusement, le pays, celui où sont mes attaches s'éloigne toujours plus de celui qui s'est construit dans mes rêves. Bien-sûr, Crussol et son château sont toujours là où je sais pouvoir les retrouver. Bien-sûr, le Vercors accueille toujours la nuit comme la marée montante, chaque soir d'été...

Mais l'essence de la France m'échappe : la mémoire raffine les souvenirs, en fait une essence particulière qui se substitue au réel. Chaque arrivée en France est une expérience dépaysante. le pays ne m'est pas étranger ; c'est moi qui le suis devenu. Il faut toujours un temps pour se ré-adapter, se ré-approprier les paysages, les codes, voire la langue... Quand on travaille en anglais, quand on vit en anglais, on finit par penser en anglais, et l'on oublie les mots de la conversation...

Il y a peu, en référence au film "Les routes de Madison", quelqu'un m'a dit que je suis un citoyen du monde, qui n'a besoin de personne en particulier et de tout le monde en général. Même si cela souligne l'impossibilité pour nous autres nomades, de s'attacher aux lieux ou aux personnes, je ne veux pas être seulement de passage. J'ai besoin de savoir qu'il y a quelque part, un endroit où je peux poser ma tête et dormir tranquillement. Moi, je me vois plutôt comme un Palestinien : j'ai un pays, je peux le voir et le toucher, mais je ne peux plus l'habiter. Le réel de ce pays m'est devenu étranger. Mais contrairement aux vrais palestiniens, l'appel de l'ailleurs est trop fort pour que je résiste longtemps. Que vive mon pays, sans moi, car ma vie est ailleurs.

L'autre jour, une apprentie expatriée me demandait comment raconter, comment faire comprendre à ceux qui sont restés, ce qu'on a vécu. On ne peut pas partager l'expérience qui consiste à penser à eux et à apprécier en même temps de vivre ce qu'on vit. On peut partager des anecdotes, raconter des choses vues et vécues. Mais l'expérience intime, la transformation qui se fait en nous, cela, il faut les vivre pour les comprendre.

Je pense parfois à ceux qui n'ont pas choisi de s'exiler, ceux qui sont poussés loin de leur pays, de leurs familles, par la faim, par la misère... je pense à la détresse de cet exil, à la tristesse qui les étreint sans doute, des années durant...
C'est à eux, qu'il faudrait demander ce qu'ils pensent de cette vie au loin...

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