lundi 23 mars 2009

Chronique gastronomique, bulletin routier et souvenirs pas si lointains

Au supermarché Dalema, les yaourts ne sont pas conservés au frais, mais ils sont bons quand même. On y vend aussi des cakes, pas mauvais du tout. Je n'ai pas essayé la crème à éclaircir la peau en revanche, je suis bien assez blanc comme ça !

Au Food Palace, il y a une serveuse appelée Esther, qui nous sert bien, et avec le sourire. Assez exceptionnel pour qu'on le mentionne. Je goûte de nouvelles recettes à chaque visite : la dernière fois, une pâte de riz, accompagnée d'une sauce à base de feuilles dont j'ignore le nom (en Haoussa, ça s'appelle Houka), d'épices pas trop fortes, et d'un quart de poulet. Très bon. Parfois, aussi, ils ont du plantain très bien réussi, moelleux et frit à la fois...

Au restaurant chinois, on m'a servi un plat avec un cafard. Comme il n'était pas indiqué au menu, j'ai refusé. Ca a été un scandale. Mais j'ai fini par avoir une assiette sans insecte !

Au restaurant de l'hôtel, il faut attendre une heure pour avoir une salade, et encore, quand elle arrive, ce n'est même pas ce qui avait été commandé !

Dans la rue, on peut acheter de petites mangues, celles qui poussent sur les arbres des rues, je suppose, pour pas cher. Elles sont hyper goûteuses.

Un aller retour Kaduna - Abuja, c'est un truc à vivre une fois au moins ! Trois cent bornes, bonne route (pour les standards africains en tous cas) et une sensation d'être dans un petit Mad Max tropical. La voie la plus prisée, c'est celle de gauche ; camions, minibus, pick-ups, voitures, tout le monde veut y être. Donc, on dépasse par la droite, on klaxonne, on slalome entre les poids lourds... Vitesse la plus fréquente : 150 km/h. Le seul moyen d'éviter que des piétons ne viennent se mettre sous vos roues, le seul moyen, dès la nuit tombe, de ne pas être arrêté par de toujours possible bandes de coupeurs de route... Abdul, le chauffeur, fonce, une main sur le volant, aussi désinvolte que lorsqu'il conduit en ville à 20 à l'heure...

L'aéroport d'Abuja est assez surprenant : Abuja, capitale d'un pays peuplé d'environ 150 millions d'habitants (le pays le plus peuplé d'Afrique), n'a qu'un petit aéroport de deuxième zone, complété d'un terminal pour les vols domestiques, genre hangar métallique... Et pour ajouter encore à ce dénuement, il n'y a pas tellement de vols vers l'étranger, partant d'Abuja. Il faut aller transiter à Lagos, pour quitter le pays !

Vendredi dernier, j'ai fait un aller - retour Kaduna - Abuja, et j'ai rencontré là-bas un collègue de Bagdad ! Temple, responsable du suivi évaluation du projet, était en vacances en famille pour une courte semaine, et il n'a pas manqué de m'appeler ! On s'est retrouvé à l'aéroport, et il m'a emmené chez lui... Après une halte sur une bretelle d'autoroute, due à une panne d'essence, nous avons partagé un rapide repas, puis il m'a raccompagné à l'aéroport, et c'était fini... mais c'était vraiment cool d'évoquer les collègues, la vie du compound, la marche du projet...

Bagdad, toujours Bagdad, comme si je n'en finissais pas de revenir de, et à Bagdad...

lundi 16 mars 2009

Activités diverses et petites réflexions géographiques


Activité 1 : visite d'un centre de formation

Vendredi, je suis allé visiter le centre régional de formation des fonctionnaires, dans la banlieue de Kaduna. Il faut imaginer un carré de la taille de deux ou trois terrains de foot, sur lequel sont parsemés des bâtiments de tailles diverses. L'un abrite les services administratifs, l'autre des salles de classe d'autres sont des dortoirs et d'autres enfin sont des cabanes tenues par des commerçants.

La plus grande salle de classe peut sans problème contenir 250 personnes, elle est équipée d'une scène où sont entreposés de poussiéreux canapés. Le sol en ciment est tellement usé, qu'à certains endroits, on croit marcher dans le sable. Les tables des étudiants sont défoncées, et on se demande comment on peut encore écrire sur de telles tables... je n'ose imaginer comment réagiraient des étudiants européens qui viendraient suivre un cours ici... Pas de système d'amplification, pas de climatisation, non plus... Dans la salle, absorbée par le cours, la future génération de cadres de l'Etat de Kaduna transpire et regarde les consultants venus interrompre leur travail. Une majorité d'étudiantes, la plupart assez jeunes, on entre et on sort de la salle librement, tant qu'on ne dérange pas le cours.

La salle informatique, équipée de vieux PC fatigués, au sol usé aussi, est plus fraîche que les autres : il y a des ventilateurs qui marchent. Un ordinateur pour deux, pas de vidéo-projecteur...

Dans le dernier quart du terrain, les cabanes des commerçants : le classique photocopieur relieur, bien sûr, plus surprenant, les gargotes à ciel ouvert, et aux alentours, des chèvres, quelques moutons, qui attendent leur heure, sans doute...

Activité 2 : repas africain

Nous avons fini par nous décider à aller dans ce restaurant africain, le food palace, qui nous tend les bras sur le chemin, chaque jour... J'aime beaucoup la pub de cet établissement : "not just another restaurant" (pas juste un restaurant de plus).

La télé braille, les tables sont grandes et ouvertes à qui le veut, on commande soit ce qui est sur la carte (plus que succincte) soit, ce qu'on veut, en demandant au préalable si c'est disponible en cuisine. C'est ainsi qu'à la deuxième visite, j'ai fini par manger du poulet grillé, sans piment ! Quel repos délicieux pour mes boyaux torturés, ma bouche rendue insensible par les attaques pimentesques précédentes...
La veille, en effet, nous étions allé manger au "Club de l'Aviation Nigériane", le must des soirs de week-end. tout ce qui bouge à Kaduna se retrouve là-bas : expats, nigérians aisés et fêtards, jolies filles (de la liane la plus longue et déliée au petit bâton de dynamite à vous faire exploser le sensoriel... elles sont toutes là !)
Et là, à part une bière bien fraîche, je n'avais rien pu avaler, ou presque ! Le poulet frites était servi accompagné d'un ragoût de piment qui ont transformé le repas en une expédition dans un volcan en éruption ! Un désastre !
Un orchestre emplissait l'espace sonore de musique locale, et pour rendre le désastre complet, j'étais assis dos à la scène, sur laquelle deux superbes dansaient comme elles seules savent le faire... j'ai survécu au piment et au torticolis !

Réflexion géographique

Un matin de la semaine passée, il m'est venu à l'esprit qu'on a peut-être tort de vouloir représenter la vie comme un cheminement, comme une voie, comme une ligne... Même sans éliminer le facteur temporel, (qui le pourrait, d'ailleurs ?), on peut envisager sa vie comme une série d'univers clos, de continents plus ou moins séparés. On naviguerait entre ces continents, on passerait des frontières pour se déplacer du continent du rêve à celui du travail, on volerait du continent du plaisir à celui plus abstrait, de la réflexion sans but matériel, la pensée vagabonderait entre eux, même si le corps était coincé dans l'un d'eux pour une période donnée... Ainsi, plutôt qu'une discontinuité, nous vivrions un espace qui toujours s'enrichirait de nouvelles sphères.

mercredi 4 mars 2009

Des jours et des nuits à Kaduna

Ce serait presque une vie de compound, si ce mot ne portait pas le poids des armes et des murs de béton. Une vie réglée par le travail et accessoirement par les appétits du chef de mission. Une vie qui suinterait presque l'ennui, si l'on n'avait pas autant de travail, et surtout, si le travail était clairement délimité.

Le bureau que nous a fourni le Head of Office, (disons l'équivalent local de la Direction Générale de l'Administration de la Fonction Publique, pour l'Etat de Kaduna, 6 millions d'habitants), le bureau, donc, est si minable et poussiéreux, que nous n'y allons que rarement. Souvent, l'électricité est défaillante, et nous devons nous replier vers l'hôtel. L'hôtel où nous travaillons, dormons, mangeons, le plus souvent, l'hôtel, où nous faisons du sport, où nous traînons...

L'hôtel Pyramid, agrémenté d'une piscine, de terrasses et de bar, pourrait être un endroit agréable. Mais il y traîne une vieille odeur d'ennui provincial, de grenier oublié, de désœuvrement...
Sur la terrasse couverte beuglent trois écrans plats dernier modèle (enfin, si je me réfère à mon dernier passage chez un marchand en Europe). Les week-ends, outre les matchs de foot, un sound system vient assourdir les passagers de l'hôtel et ceux qui profitent de l'escale pour faire une visite à sa piscine.

La piscine semble le lieu de toute vie sociale : on y vient en groupe, en famille, et les enfants ont leur bassin. Autour de la piscine, d'abord, les hommes hésitent, regardent les poissons qui s'ébattent déjà dans de grands rires. Puis ils se jettent dans le bain.
Rares sont ceux qui maîtrisent à la fois la technique du crawl et de la brasse ; nager sur le dos donne un mouvement saccadé...

Le bord de la piscine, c'est aussi le lieu des groupes de jeunes gens, qui rient, boivent un verre, ouvrent un ordinateur portable, soit pour profiter de l'internet wireless, soit pour essayer d'écouter leur propre musique.
Le bord de la piscine, c'est le lieu du possible : "Est-ce qu'elle me voit, est-ce qu'elle va plonger, est-ce qu'elle va sortir...?" Les ondes de la séduction en maillot de bain semblent converger là chaque dimanche après midi... fantasmes remachés comme de vieilles madeleines trop sèches, regrets idiots, dos entrevu de celle qu'on attendra jusqu'à dimanche prochain.

Les nuits sans sommeil, sonorisées par les générateurs électriques, longues plaintes muettes, l'esprit envahi de pensées noires sur un avenir sombre... (Et si je n'avais pas assez de cachets pour dormir pour tenir jusqu'à la fin de la mission, Et si je ne signe pas le projet de Tataouine encore plus loin et encore plus long, Et si j'ai une offre pour aller à Gaza pendant ce projet, Et si je ne retournais pas à Bamako...)

Les week-ends s'annoncent par la visite de Folaké, copine du chef de mission, qui vient d'Abuja. Elle apporte comme un paquet de vie, dans cette ambiance morose. Le chef est content, il accroche à la poignée de sa porte le petit panneau "Do not disturb"...
Ils se finissent par un retour à la réalité : "On va se faire une réunion ce soir, vers 8H30, pour lister tout ce qu'on a à faire cette semaine.

Ce serait une vie de compound, si l'hôtel n'était pas ouvert sur l'extérieur, si l'on ne pouvait pas sortir librement, s'il n'y avait pas de visite possible...
Et déjà, la simple possibilité de sortir est une promesse qu'un soir, nous irons à ce NAF club, le lieu où il faut aller se sentir vivre, le samedi soir !

lundi 2 mars 2009

Pourquoi aime-t-on l'Afrique ?

Bien-sûr, il y a des milliers de raisons de vouer à ce continent une passion que ceux qui la partagent décrivent comme dévorante...
Alors, commençons par le commencement. Moi je...

L'autre jour, je sortais de la piscine de l'hôtel, un gaillard me dit qu'il aime mon tatouage... Lorsque je lui fis remarquer que le seul continent qu'on voit sur la carte qu'il représente est l'Afrique, il m'a demandé si je viens d'Afrique du Sud.
"- Non, pas du tout, je suis français
- Alors c'est parce que tu aimes l'Afrique ?
- Oui, c'est la seule raison"

Bien sûr, je ne connais quasiment rien de l'Afrique : un tel continent, immense, divers et peuplé de rêves... Jusque là, je me suis cantonné à l'Afrique de l'ouest et du nord. Et pourtant, à chaque fois, c'est la même magie.

Ce n'est pas pour voir des monuments, qu'on vient ici. Au mieux pour la nature, qui est abondante, parfois excessivement abondante, abondante jusqu'à l'ennui.
Moi je...

Moi, je suis venu pour travailler. Il n'empêche que ce que j'aime ici par dessus tout, c'est les gens : nonchalants, souvent souriants, parfois goguenards, parfois moqueurs... Pas pleurnichards, pas conquis, même si colonisés et exploités...

Il m'arrive souvent de dire que la vraie vie est ici : chaleur, facilité à nouer des contacts (en général), couleurs chatoyantes, sensations fortes...

On me faisait remarquer que des photos de Kaduna ou de Bamako mélangées seraient probablement impossibles à différencier par un spectateur non averti : c'est indéniable, le paysage est globalement identique, il faut être sur place, pour percevoir les différences ténues. Parce que c'est d'abord et avant tout l'Afrique, qui se donne à voir dans la rue. D'un pays à l'autre, la richesse des tenues change, les marchandises changent, mais la façon d'être reste globalement la même.