dimanche 14 octobre 2007

Jours oisifs


Avez-vous remarqué que l'humour des peuples opprimés est en général grinçant et plein d'auto-dérision... Ci joint une blague palestinienne pour rire et grincer un peu.

Ensuite, quelques instantanés en passant.

Le jour du jugement dernier, Arafat, à la tête de la cohorte des palestiniens errants et vaincus, va frapper à la porte du paradis.
Le gardien entrouvre la porte et demande qui est là.
"- Nous sommes le peuple palestinien, spolié de sa terre et de son histoire, et je suis leur leader, Yasser Arafat, nous voulons entrer !
- Attendez une minute, je vérifie si vous êtes sur la liste  des invités
- ...
- Non, désolé, vous n'êtes pas sur la liste !" et la porte se referme.

Arafat se retourne et dit "S'il n'y a pas de place pour nous ici, nous poursuivrons la lutte jusqu'au bout pour que soit reconnu notre droit à l'existence ! allons donc voir l'enfer !"

Et la longue cohorte se remet en marche.

Arrivé devant la porte de l'enfer, même scène, et même résultat :
"Non, vous n'êtes pas sur la liste ! Vous ne pouvez pas entrer, désolé !
- Mais alors, qu'allons nous faire, si ni l'enfer ni le paradis ne veulent de nous ?
- Attendez, répond le gardien, je passe un coup de fil à la direction générale, au cas où il y aurait des instructions..."

La porte se referme pendant un moment.

Puis s'ouvre à nouveau
"Marchez vers là-bas, entre les dunes, il y a un camp de réfugiés pour vous !"

Petites choses de la vie

Samedi de l'Aid. Un bon bouquin, le narghilé bien préparé, je suis sous la tente de la terrasse du cinquième étage. Soudain, cris et coups de feu viennent interrompre ma lecture. Ca s'agite vers une entrée du compound. les gardiens font reculer quelques voitures qui s'étaient approchées un peu trop. Je retourne lire. Quelques instants plus tard, des cris, encore.... les employés jouent au foot.

Jours de l'Aid, bureaux vides, les deux expats enfermés errent en tenues décontractées, lisent leurs mails, répondent quand c'est nécessaire, il règne un silence d'usine désaffectée.

Aid toujours, c'est la fin de la saison du feuilleton que nous regardions chaque soir. Les énigmes et autres différends se résolvent comme il se doit. Nous partageons un soir une bouteille de vin libanais, le lendemain un Crozes Hermitage. Il y a des saveurs comme celle-ci qui vous raccrochent au pays.

Après la fin du dernier épisode, Mounif et moi restons encore un peu dans la salle de télé. Il me raconte sa rencontre avec Arafat. Il raconte aussi comment son père, journaliste à Times Magazine a fait d'Arafat un personnage international, en l'interviewant pour le journal.

Nous parlons de la désillusion de tous ceux qui ont cru en quelques idées, puis qui ont baissé les bras, écoeurés. Je lui dis que je ne reconnais pas mon pays dans les nouvelles que je lis dans les journaux. Je ne veux plus vivre là-bas. Trouver une crique à l'écart, une barque pour aller pécher et de temps en temps, aller voir les toiles qui soignent l'âme, entendre un concert qui fait vibrer le coeur... Mais loin de tout ça.

1 commentaire:

  1. Salut,
    Après t'avoir lu, des petites phrases résonnaient dans mon esprit malade, des petites phrases que je n'avait lues depuis fort longtemps.

    Des bribes me revenaient insidieusement puis j'ai su, j'ai vite retrouvé j'ai relu avec bonheur et j'ai estimé qu'il serait prétentieux de ma part de t'apporter un commentaire que nul autre que Baudelaire avait su faire bien avant que ton blog n'existât.

    Je suis sûr que toi aussi tu retrouveras ses mots avec bonheur...


    Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu'il guérirait à côté de la fenêtre.
    Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme.
    "Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d'habiter Lisbonne? Il doit y faire chaud, et tu t'y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l'eau; on dit qu'elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal, qu'il arrache tous les arbres. Voilà un paysage selon ton goût; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le liquide pour les réfléchir!"
    Mon âme ne répond pas.
    "Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter la Hollande, cette terre béatifiante? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as souvent admiré l'image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons?"
    Mon âme reste muette.
    "Batavia te sourirait peut-être davantage? Nous y trouverions d'ailleurs l'esprit de l'Europe marié à la beauté tropicale."
    Pas un mot. - Mon âme serait-elle morte?
    "En es-tu donc venue à ce point d'engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal? S'il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort.
    - Je tiens notre affaire, pauvre âme! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l'extrême bout de la Baltique; encore plus loin de la vie, si c'est possible; installons-nous au pôle. Là le soleil ne frise qu'obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d'un feu d'artifice de l'Enfer!"
    Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie: "N'importe où! n'importe où! pourvu que ce soit hors de ce monde!"


    Combien sommes-nous à avoir la poitrine qui s'enfle en lisant ça ?

    Take care brother

    Thierry

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