vendredi 5 octobre 2007

Berlioz, Bagdad... ne ratez pas le train !

"Décidément, Berlioz doit s'écouter un peu fort" me disais-je ce vendredi après-midi, en m'enfonçant pour la énième fois jusqu'au épaules dans un bain devenu tiédasse. "Surtout quand il se décide à envoyer les chœurs, dans le dernier mouvement de la Marche Funèbre". Berlioz, cette Marche Funèbre, ou le Requiem, il m'arrive de me les passer en boucle une journée entière...

Pourquoi Berlioz? Je sens poindre la question, pourquoi Berlioz? Berlioz me dit avec force, avec folie, d'aller chercher encore plus loin la force, la volonté, l'engagement inconditionnel dans ma vie...

L'autre jour, la question qui m'était posée, était "pourquoi Bagdad ?"

Et du fond de mon bain, ce vendredi après-midi, je me demandais si parfois, vous, de l'autre côté, dans le monde normal, vous n'en avez pas marre d'être à la fois protégés, maternés, harcelés, malmenés, remués, sans pouvoir donner de sens à tout cela ? Entre un Etat sur-protecteur et des marchands qui vous vendent du rêve de pacotille, entre le désir jamais assouvi et le plaisir qui n'est pas à la hauteur de vos espoirs, entre un futur toujours décevant et un passé toujours à recomposer, vous n'avez pas envie d'aller voir jusqu'où vous tiendrez ? Pas envie de de vivre loin de tout cela ? Pas envie de faire votre métier dans des conditions un peu plus difficiles, de dormir dans le lit de la folie (c'est de Férré, pas de moi), de pousser Berlioz à fond, de croiser d'autres routes, de gueuler un bon coup ???

J'ai trouvé plein de raisons à répondre à la questions sur Bagdad, mais je crois qu'au fond, Bagdad était une fantastique opportunité de dire "merde", d'envoyer balader tout un tas de conventions bien trop pesantes !

Et là, Berlioz vient encore à ma rescousse, il balance à fond le "Dies irae", on la sent la colère, le refus de la mort douce et bénigne qui engourdit ! Il me chante, me pousse, "Va, file, droit au devant là où ça péte, là où la vie a du goût, là où tu te sentiras utile, là où tu te réaliseras pleinement, va souffrir, prends le risque de croiser un sniper, car chaque seconde, ta vie t'échappe comme le sable entre tes doigts..."

Pourquoi Bagdad ? Parce que Serge, qui travaillait avec nous ici jusqu'au mois d'août, est en train de se battre contre un vilain crabe aux Etats-Unis, et qu'il a 36 piges... Serge qui voulait toujours aller dans la voiture de tête dans les convois, pour le fun, Serge avec qui je riais lorsqu'une alerte aux mortiers nous faisait courir vers les bunkers de la Zone Internationale, un jour de juillet, en nous disant "Enfin, il se passe quelque chose!"

4 commentaires:

  1. Quelques réflexions en vrac…

    Risquer sa vie, côtoyer la mort… N’est-ce pas avoir également une volonté de revêtir cette dernière de ses plus beaux atours, tout en écoutant un requiem que l’on aura encore en mémoire ou sur son lecteur à l’instant ultime ?

    Un futur toujours décevant et un passé toujours à recomposer… Ne voudrais-tu pas dire plutôt un passé décevant et un futur toujours à recomposer ? Ne serait-ce pas plus positif vu dans ce sens ? Recomposer son futur est l’opium de l’homme qui pense ou à défaut qui rêve… Même si parfois le futur a des airs de cauchemar…
    Mais c’est vrai que l’adrénaline active la vie, la démultiplie… Pourquoi ? Parce qu’on est forcé de subir son environnement qui est la meilleure excuse pour s’oublier soi-même, qui force à vivre et à penser à mille pour cent, tellement persuadé qu’on est qu’on a peut-être mille fois moins de chances de vivre aussi longtemps que les autres.

    Vivre autre chose, voilà qui est intéressant… Contribuer au mieux être d’inconnus… Je serais mal placé pour dire que ce n’est pas honorable ou enthousiasmant… Mais vivre autre chose… « L’autre chose » ne serait-il qu’à Bagdad, Mogadiscio ou Beyrouth ? Et que vaudrait « l’autre chose » si nul ne pouvait en témoigner ? Ces milliers de GI morts pas loin de chez toi étaient-ils prêts, au dernier moment, à payer de leur vie ces instants d’autre chose ?

    Est-il inadmissible d’imaginer trouver l’autre chose dans le meilleur plutôt que dans le pire ?
    Ici encore je crois être bien placé pour parler, mais quand on trouve « l’autre chose » dans le pire, c’est que la chance ne nous a pas souri au point de nous accorder le meilleur…

    Pour en revenir au Requiem, savais-tu que Berlioz avait décomposé son orchestre en 4, une partie au Nord, une au Sud, une à l’Est et la dernière à l’Ouest ? L’audition du Tuba Mirum peut devenir toute autre en sachant ça…
    Allez, brother, take care !
    Thierry

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  2. @ thierry

    C'est bien parce que le futur était toujours décevant, que j'ai choisi, ce fameux soir du week-end de Pâques au Fouilloux, de sauter le pas, de partir vers cet autre chose qui ne me semblait possible que dans le pire.
    C'est aussi que ce passé toujours à recomposer, pour pouvoir se regarder quelques instants dans un miroir, j'ai voulu le dynamiter, l'effacer comme on gratterait un palimpseste...
    Oh, je ne me fais pas l'illusion de devenir autre ; je veux juste voir jusqu'où je peux aller.

    Je ne désespère pas de trouver un jour autre chose dans le meilleur !

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  3. @ thierry

    C'est bien parce que le futur était toujours décevant, que j'ai choisi, ce fameux soir du week-end de Pâques au Fouilloux, de sauter le pas, de partir vers cet autre chose qui ne me semblait possible que dans le pire.
    C'est aussi que ce passé toujours à recomposer, pour pouvoir se regarder quelques instants dans un miroir, j'ai voulu le dynamiter, l'effacer comme on gratterait un palimpseste...
    Oh, je ne me fais pas l'illusion de devenir autre ; je veux juste voir jusqu'où je peux aller.

    Je ne désespère pas de trouver un jour autre chose dans le meilleur !

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  4. Détrompes toi… tu deviens forcément autre… tu es déjà un autre avec un niveau de conscience différent de celui d’avant ton départ… Recomposer le passé, c’est s’accorder le droit, la tricherie de le teinter d’autres couleurs, de s’auto convaincre du bien fondé de ses choix, de donner des arguments à ses erreurs… Le problème est que les erreurs n’appartiennent pas qu’au passé et que l’instant présent verse immédiatement dans ce passé… Je ne veux pas dire par là que tu es en train de commettre une erreur…
    Je pense que la vie c’est comme une piqûre de moustique, quand ça fait mal, on tape sur le bouton, ça fait plus mal mais on oublie la première douleur…

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